14/01/2016

Le poème runique Anglo-Saxon (750-950)


Le poème runique Anglo-Saxon, rédigé en vieil anglais, est le plus ancien, et il établit une liste de 29 runes du futhorc (qui en a contenu jusque 33). Il est difficile à dater précisément, mais il aurait été rédigé entre la fin du VIIIème siècle et le début du Xème siècle. Cela correspond à l’époque de la christianisation, ce qui se reflète particulièrement dans les strophes du poème dont sont totalement absentes les références païennes. De plus, le manuscrit original, conservé à la bibliothèque Cotton (Otho B.x, fol. 165a - 165b) fut perdu lors d’un incendie en 1731. Cependant, Humfrey Wanley (1672-1726) en avait fait une copie, publiée en 1705 dans le Linguarum veterum septentrionalium thesaurus de l’historien George Hickes.


Mais il semble que cette copie ne soit pas fidèle à l’originale. En effet Hickes a recopié le poème en prose, l’a divisé en 29 strophes et a ajouté les runes en face de chacune d’entre-elles. Car le texte ne semblait pas, initialement, contenir le nom des runes, celles-ci constituant plutôt la réponse à l’énigme posée par la strophe (ce qui devait être aussi le cas des autres poèmes runiques). De plus, Hickes donne des variantes pour cinq runes (wenne, hægl, nyd, eoh, et ing) et quatre runes (cweorð, kalc, stan et gar) figurant en bas de pages ne font pas partie du poème.


f
Feoh (Argent)
L’argent est un confort pour tous ;
cependant chacun doit beaucoup partager
s’il veut être approuvé par le Seigneur. 


u
Úr (Aurochs)
L’aurochs est résolu, il a de puissantes cornes ;
une bête féroce luttant avec ses cornes,
fameux coureur de landes, c’est un combattant.


th
ðorn (Epine)
L’épine est extrêmement piquante ;
pour les nobles, la saisir est un tourment ;
excessivement cruelle pour quiconque s’étend sur elle. 


o
Os (Bouche)
La bouche est source de tout langage,
soutien de la sagesse et confort du sage,
elle est la joie et la source de confiance de tout noble.


r
Rad (Chevauchée)
Chevaucher pour quiconque semble aisé,
lorsqu'on est à l'abri, mais plus difficile pour celui
qui parcourt une longue route sur un puissant destrier.


c
Cén  (Torche)
La torche est perçue par chaque être comme
une flamme brillante et lumineuse ;
le plus souvent elle brûle dans la demeure
où les nobles se reposent.


g
Gyfu (Don)
Le don est pour les humains une louange
et une parure, un soutien et une approbation ;
il apporte aux sans logis aide et honneur, quand ils en sont dépourvus.


w
Wenne (Joie)
La joie s'obtient quand on a peu de griefs,
qu'il s'agisse de blessures ou de tristesse et que l'on a
pour soi prospérité, plaisirs et quantité de réserves.


h
Hægl (Grêlon)
Le grêlon est le plus blanc des grains,
enrobé de vapeurs célestes ;
porté par des bourrasques de vent,
il se transforme ensuite en eau.


n
Nyd (Epreuve)
L'épreuve est grandement décourageante ;
souvent chez les enfants des humains,
elle est de quelques aides et soins, s'ils s'en préoccupent à temps.


i
Ís (Glace)
La glace est très froide et extrêmement glissante ;
elle est scintillante, brillante comme le verre, ressemble à des gemmes ;
le sol couvert de givre semble beau à contempler !


j
Gér (La période sans givre - l'Eté)
L’été est l'espoir des humains
que Dieu, roi des cieux, fasse sortir de la terre
une végétation comestible aux couleurs éclatantes
pour les nobles et les nécessiteux.


z
Eoh (If)
L'if est à l'extérieur doté d'une écorce rugueuse,
fort, sûr dans le sol, pourvoyeur du feu,
arbre bien enraciné, heureux dans son foyer.


p
Peorð (Coupe à Dés)
Le gobelet à dés apporte toujours jeu et rire
aux hommes fiers, là où s'assoient les guerriers
joyeusement rassemblés dans les tavernes. 


x
Eolhx-secg (Laiche de l'Elan)
La laiche de l'élan a sa terre le plus souvent dans les marais ; 

poussant dans l'eau, blessant sévèrement,
brûlant au sang quiconque tenterait de s'en saisir. 


s
Sigel (Soleil)
Le soleil pour les navigateurs est espoir incessant
tandis qu'ils voguent sur le bain des poissons,
jusqu'à ce que leur destrier des vagues les ramènent au port.


t
Tir (Tyr)
Tyr est signe de gage ; il garde bien le serment du noble ;
progressant toujours au-dessus des nimbes de la nuit,
et ne disparaissant jamais.


b
Beorc (Bouleau)
Le bouleau n'a pas de fruits. Il soutient néanmoins
ses jeunes pousses sans graines ; de belle envergure,
son sommet se dresse, glorieusement orné
d'un feuillage croissant, il touche les cieux.


e
Eh (Cheval)
Le cheval est pour les dirigeants, la joie des nobles.
Le cheval est fier quand les lanciers l'entourent,
les riches le montent, se rassemblent pour en parler ;
il est toujours un réconfort pour les inquiets.


m
Man (Homme)
L'homme, lorsqu'il est joyeux, est cher à ses amis ;
pourtant il doit abandonner ses compagnons
car le seigneur a établi les lois de Dieu
que cette humble chair doive retourner à la terre.


l
Lagu (Eau)
L'eau pour les gens semble immense
s'ils doivent la franchir sur des bateaux instables,
et que les vagues de la mer les effraient fortement,
et que le destrier des mers ignore la bride.


ng
Ing (Ing)
Chez les Danois de l'Est, Ing était d'abord
révéré parmi les guerriers, jusqu'aux confins de l'est,
par-delà les vagues, il prit la route, suivit de son char ;
Alors les Heardingas l'appelèrent le héros.


oe
Éþel (Foyer)
Le foyer est très cher au cœur de chaque humain
s'il peut y demeurer de droit, alors il est juste
que chez lui il puisse jouir de ses récoltes.


d
Dæg (Jour)
Le jour envoyé par le Seigneur est cher à l'humanité,
la merveilleuse lumière du créateur, joie et grand espoir
pour le pauvre et l'affluant ; tous en profitent.


a
Ác (Chêne)
Le chêne est sur Terre pour les enfants des humains,
fourrage pour le bétail, fréquemment il voyage
sur le bain des fous de Bassan,
les vagues révèlent si le chêne s'avère digne de confiance. 


ä
Æsc (Frêne)
Le frêne est extrêmement grand ; aimé des humains.
il est fermement enraciné et ne bouge pas
même s'il est attaqué par une multitude d'imbéciles. 


y
Ýr (Arc d'If)
L'arc d'if est pour les athlings et les jarls
joie et honneur : il est beau sur un cheval de guerre,
endure les expéditions difficiles,
c'est une bonne arme de guerre !


io
Íár (Serpent)
Le serpent est comme un poisson de rivière 

mais se nourrit toujours dans la forêt ; 
il a une belle demeure,
entourée d'eau où il savoure son existence.


ea
Éar (Tombe)
La tombe est terrible pour tout noble ;
de manière immuable la chair commence
à refroidir, à choisir la terre pâle comme compagne
de lit. Les fruits vont alors pourrir.
Les plaisirs vont alors disparaitre.
Les engagements seront alors rompus.

Le futhorc Anglo-Saxon


En usage en Grande-Bretagne à partir du Vème siècle, le futhorc se différencie du futhark ancien en remplaçant les rune óss ou ansuz (a) par ös (o) et kaun (k) par cén (c) ainsi que par l’ajout régulier de runes correspondant à de nouveaux phonèmes. Il n’est plus utilisé à la fin du XIème siècle.



Le poème runique Islandais (1200 - 1400)


Ce poème, rédigé en vieux norrois, sans doute entre le XIIIème et le XVème siècle, provient de quatre manuscrits conservés à la Bibliothèque Arnamagnæ de Copenhague :

- AM 687, 4to, parchemin du XVIème siècle avec les runes sans leurs noms et les interprétations en latin et en islandais.

- AM.461, 12mo, parchemin du XVIème siècle (1539-58)avec les noms uniquement.

- AM.749, 4to, papier du XVIIème siècle avec les noms et les runes dans l’ordre alphabétique suivi de runes pointées.

- AM.413, folio, pp.130-5, 140ff., parchemins du XVIIIème siècle copiés du MS. Runologia (1732-52) de Jon Olafsson, avec les noms et les runes dans l’ordre alphabétique, sauf que lögr précède maðr.


Ce qui implique quelques différences d’interprétation, d’autant plus que certains manuscrits sont abimés. De plus, les textes en vieux norrois étaient pour certains accompagnés de traductions latines. C’est pourquoi sont notés sous chaque strophe, une équivalence latine des runes et un terme en vieux norrois désignant une haute fonction sociale dont la première lettre commence par la rune correspondante.

Il est assez semblable dans sa structure au poème norvégien ce qui semble indiquer une éventuelle source commune. Mais il est cependant plus élaboré car les strophes sont composées de trois kennings. Cette construction lui valut le nom de Þrideilur Rúna (triades runiques). Ce poème fut rédigé environ cinq cents ans après la christianisation, mais comme le poème runique norvégien, il conserve ses références aux mythes païens.

f
Fé (Argent)
L'argent est cause de combat parmi les hommes du même sang
et le feu de la mer
et la voie du serpent.


aurum - fylkir  
(or - chef de guerre)


u, v
Úr (Bruine)
La bruine est la lamentation des nuages
et la destruction de la récolte
et objet de haine pour le berger.


umber ou imber - vísi
(ombre/nuage ou averse - chef sage)


th
Þurs (Thurse)
Le Géant est le tourment des femmes
et habitant des rochers
et l'époux de Varðrúna.


Saturnus - þengill 
(Saturne - celui qui préside le thing)


a, o
Óss (Ase - Odin)
L'Ase est le vieux créateur
et le roi d’Ásgard
et le seigneur du Valhalla.


Jupiter - oddviti 
(Jupiter - celui qui sait)


r
Reið (Chevauchée)
La chevauchée est joie du cavalier
et voyage rapide
et labeur du coursier


iter - ræsir 
(voyage - homme de valeur)


k
Kaun (Ulcère)
L’ulcère est maladie fatale aux enfants
et endroit douloureux
et demeure de mortification.


flagella - konungr
(fouet - descendant de bonne lignée)


h
Hagall (Grêle)
La grêle est un grain froid
et pluie de neige froide
et la maladie des serpents.


grando - hildingr 
(grêle - chef de bataille)


n
Nauð (Contrainte)
La contrainte est la douleur qui accable la servante
et état d’oppression
et travail laborieux.


opera  - niflungr 
(travail - descendant de la brume)


i, j
Íss (Glace)
La glace est l’écorce des rivières
et le toit des vagues
et la destruction des maudits.


glacies - jöfurr 
(glace - roi guerrier)


A
Ár (Abondance)
L’abondance est bonne pour les hommes
et un bon été
et une récolte florissante.


annus - allvaldr 
(année - le père de tout)


s
Sól (Soleil)
Le soleil est le bouclier des nuages
et éclatant rayon
et destructeur de la glace.


rota  - siklingr  
(roue - celui que la victoire suit)


t
Týr (Tyr)
Tyr est l'ase manchot,
et restes du loup
et gouverneur des temples.


ou
Tyr est frère de Baldr
et l'ase manchot
et restes du loup.


Mars - tiggi 
(Mars - riche en renommée)


b
Bjarkan (Bouleau)
Le bouleau est un rameau feuillu
et petit arbre
et arbuste jeune et frais.


abies - buðlungr 
(sapin - celui qui protège)


m
Maðr (Homme)
L'homme est la joie des humains
et accroissement de la terre
et décorateur de bateaux.


homo - mildingr
(humain - le généreux)


l
Lögr (Eau)
L'eau est courant tourbillonnant
et grand geyser
et demeure du poisson.


lacus - lofðungr 
(lac - celui qui est digne d'éloges)


y
Ýr (If)
L'If est arc courbé
et acier cassant
et flèche de Fárbauti.


arcus - ynglingr 
(arc - le jeune)

Le poème runique Norvégien (1200)


Ce poème d’inspiration scaldique, rédigé en vieux norvégien, daterait du XIIème ou XIIIème siècle. Le texte original fut conservé à la bibliothèque universitaire de Copenhague, puis détruit lors d’un incendie en 1728. Il est attesté par deux copies, la première de Olaus Wormius (Ole Worm, Runar seu Danica Literatura Antiquissima, Amsterdam, 105–7, 1636), et l’autre de Arni Magnússon et Jón Eggertson en 1686.

Composé en rimes, le poème comporte deux phrases de six syllabes pour chaque rune, sauf la 15ème. La première concerne le nom et le sens de la rune, la seconde est à caractère gnomique ou pourrait désigner la forme des runes. Il est à noter que malgré une référence au Christ, l’aspect païen demeure dans le texte.


f
Fé (Richesse)
La richesse est source de discorde dans la famille ;
dans la forêt le loup grandit.


u, v
Úr (Scories)
Les scories viennent du mauvais fer ;
le renne court souvent sur la neige gelée.


th
Þurs (Géant)
Le géant provoque la maladie des femmes ;
peu se réjouissent de l'infortune.


a, o 
Óss (Estuaire)
L’estuaire est le chemin de la plupart des voyages ;
mais le fourreau est le chemin des épées.


r
Ræið (Chevauchée)
La chevauchée est, dit-on, le pire pour les chevaux ;
Reginn forgea la meilleure épée.


k
Kaun (Furoncle)
Le furoncle est la malédiction de l’enfant ;
infortune fait pâlir l’humain.


h
Hagall (Grêlon)
Le grêlon est le plus froid des grains ;
Christ donna forme à l’ancienne demeure.


n
Nauðr (Nécessité)
La nécessité laisse peu de choix ;
l’homme nu est glacé par le gel.


i, j
Ís (Glace)
Large pont nomme-t-on la glace ;
l’aveugle a besoin qu’on le guide.


A
Ár (Récolte)
La récolte est un profit pour les humains ;
je reconnais que Froði fut généreux.


s
Sól (Soleil)
Le soleil est la lumière du monde ;
je m’incline face au sacré.


t
Týr (Tyr)
Tyr est l’ase manchot ;
souvent le forgeron doit souffler.


b
Bjarkan (Bouleau)
Le bouleau est l’arbuste au plus vert feuillage ;
Loki a bien réussi sa duperie.


m
Maðr (Homme)
L'homme produit encore plus de terre ;
puissante est la serre du faucon.


l
Lögr (Eau)
Les chutes d’eau coulent des falaises ;
les objets coûteux sont faits en or.


y
Ýr  (If)
L'if est l’arbre le plus vert en hiver ;
il crépite quand il brûle.

Le futhark récent


Développé entre le VIIème et le VIIIème siècle en Scandinavie, le futhark récent est une réduction à 16 runes du futhark ancien qui en comptait 24. Plusieurs runes possèdent également des variantes suivant les périodes et les zones géographiques. Il cessa d’être utilisé peu après la christianisation, vers le XIIIème siècle.



Yggdrasil



L'Arbre-Monde dans la mythologie nordique se nomme Yggdrasil, (Coursier du Redoutable ou Coursier d'Ygg - Ygg, le redoutable, étant l'un des noms d'Odin). Yggdrasil est un Frêne, l'arbre sacré d'Odin. Il est considéré comme le père des arbres. Mais aussi de l'humanité car Askr, le premier homme venait d'un Frêne et la première femme, Embla, provenait d'un orme, ce sont donc les descendants des arbres.

Yggdrasil est un arbre gigantesque puisque ses branches s'étendent dans les neuf mondes et dans les cieux. Il possède trois racines dont l'une pousse à la source d'Urðr à Asanheim, une autre à la source de Mimir à Jotunheim, et la troisième à la source de Hvergelmir à Niflheim. Dans les textes il apparaît sous d'autres noms ou formes. Il est Laeradr ou Lerad (Celui qui procure le repos) l'arbre de vie poussant sur le toit du Valhalla dont se nourrissent la chèvre Heiðrún et le cerf Eikthyrnir. Il est aussi Mímameiðr (Arbre de Mimir), l'arbre de la connaissance planté près de la source de Mimir. Et enfin, il est Hoddmimir (Trésor de Mimir) le refuge, une forêt ou un arbre, où se tiennent cachés les humains survivants au Ragnarök.

Son association à Mimir implique donc la détention de la connaissance et de la sagesse. L'arbre de vie poussant sur le toit du Valhalla, le fait que ses feuilles soient dévorées et ses que racines soient rongées par divers animaux, puis soignées par les Nornes, renvoie autant au destin, qu'au cycle de la vie ou à l'au-delà. D'ailleurs, Odin embauma la tête de Mimir avec les feuilles d'Yggdrasil. Cet axis mundi soutient également l'équilibre fragile entre les neuf mondes. En tant que cheval d’Odin il devient une référence au chamanisme et au voyage entre les mondes le long d'un poteau ou d'un arbre. L'initiation d'Odin aux runes alors qu'il pendit pendant neuf jours et neuf nuits à cet arbre est aussi une référence aux pratiques chamaniques de la transe. C'est aussi à la source d'Urðr que se tiennent les conseils des dieux, ce qui lui confère un aspect juridique.


les 3 sources ou puits

Symbole de la vie par excellence, l'eau coule en trois endroits distincts sous les racines d'Yggdrasil, avec à chaque fois des fonctions bien différentes mais complémentaires.

La source du destin, Urðarbrunnur (La Source d'Urðr)
La première source est située à Asanheim, derrière les forêts d'Ýdalir. C'est l'endroit où les ases tiennent leur conseil. Là se dresse la halle où nul ne pénètre et où vivent les Nornes. Elle figure donc la destinée et l'endroit où se prennent d'importantes décisions. Mais elle constitue également un lieu curatif, puisque les Nornes utilisent l'eau et la glaise de cette source pour empêcher les branches d'Yggdrasil de pourrir et de se dessécher. Elle est aussi un endroit d'équilibre, puisque deux oiseaux, ancêtres de tous les cygnes, se nourrissent à cette source, ainsi que des abeilles qui fabriquent le miel pour l'hydromel.

" Et on raconte que les nornes qui habitent auprès du puits d'Urðr puisent chaque jour l'eau de la source et aussi l'argile, qui se trouve autour de la source et en aspergent le frêne afin que ses branches ne se dessèchent ni ne pourrissent".

la source de la mémoire, Mimisbrunnur (La Source de Mimir). 
La seconde source est celle de la sagesse et de l'intelligence. Une autre racine qui s’étend "chez les Hrimthurses, où se trouvait autrefois Ginnungagap ", recèle la source de Mimir. Celle-ci se trouve sous les racines de l'arbre Mímameiðr à Jotunheim et elle est gardée par la tête de Mimir. Odin donna son oeil pour boire une gorgée de cette eau et acquérir la sagesse. Cette source implique évidemment que la connaissance s'acquiert aux prix de sacrifices. Elle est également liée au destin puisque Odin vient consulter Mimir au moment du Ragnarök, sans toutefois obtenir de réponse.

la source primordiale, Hvergelmir, (Le Chaudron Qui Gronde).
La troisième source se trouve à Niflheim. C'est de la que proviennent les douze rivières primordiales, les Élivágar. La dernière source est donc associée au pouvoir créateur, les Élivágar gelant dans Ginnugagap pour former la glace qui donne naissance aux premiers êtres. Mais elle est aussi celle du pouvoir destructeur souterrain et obscur puisqu'à cet endroit huit serpents rongent les racines du frêne. Cependant cet acte destructeur est équilibrée par les soins prodigués par les Nornes.




Les animaux d'Yggdrasil

Plusieurs animaux vivent dans l'arbre, doté chacun d'un rôle particulier qui assure l'organisation cosmique. Ils ont tous des liens directs avec le soleil et la fertilité. Ils renvoient autant à la vie sauvage, la chasse et la forêt, qu'à l'élevage et la ferme. On y trouve un coq, une chèvre, cinq cerfs, un aigle, un faucon, un écureuil, un sanglier, deux cygnes et des abeilles. Ces animaux demeurent pour la plupart autour d'Asanheim, voire au Valhalla, Les animaux de Niflheim et Helheim, sont référencés dans les chapitres suivants concernant ces lieux.

L'aigle, le faucon et l'écureuil

Veðrfölnir (Blanchi par la tempête ou Couvert de Cendres par le Vent) - le faucon vivant entre les yeux de l'aigle Hraesvelgr au sommet de Yggdrasil, ce qui fait de lui la créature la plus haut placée.

Hraesvelgr (Avale Charogne ou Dévoreur de Cadavres ou Courant des Naufrages),  l'aigle géant de la Connaissance vivant au sommet d'Yggdrasil - l'opposé polaire du serpent Nidhöggr - dont les battements d'ailes suscitent les vents. C'est un géant prenant la forme d'un aigle.

Ratatosk (Dents Qui Trouvent ou Dents Qui Forent) l'écureuil circulant de bas en haut de l'arbre pour transmettre les insultes entre le serpent Nidhöggr et l'aigle Hraesvelgr.

Le faucon et l'aigle sont deux oiseaux de proie, des chasseurs à la vue perçante, et des symboles aériens et solaires. Ce sont les deux créatures les plus haut placées dans l'arbre.
L'aigle représente l'esprit, la supériorité et la domination, son symbole aérien le place à l'opposé du serpent, qui est terrestre, et aussi sa proie. Le serpent est également solaire, mais comme sa peau se renouvelle il évoque la transformation, la transmutation, un cycle vie-mort-renaissance. C'est aussi un animal souterrain, qui se tapit sous les rochers. Ce qui se caractérise par les rapports entretenus avec le serpent Nidhöggr qui demeure à Niflheim.

L'écureuil est un animal à la fois aérien (qui vit dans les arbres) et terrestre (il se nourrit et se déplace sur la terre). Il à un caractère prévoyant et donc d''indépendance. Cet un animal vif qui exerce son agilité en voyageant le long de l'arbre.

Un aigle siège
Sur les rameaux du frêne,
On dit qu’il sait maintes choses ;
Un faucon
Entre ses yeux veille,
S’appelle Vedrfölnir.
Grímnismál, 31

Ratatosk s’appelle l’écureuil
Qui doit grimper
Le frêne Yggdrasill ;
Les messages de l’aigle
Il doit rapporter de là-haut
Et les dire en bas à Nidhöggr.
Grímnismál, 32

Les cerfs

Eikthyrnir (Bois de Chêne), le cerf vivant sur le toit du Valhalla se nourrit des feuilles de Laeradr. De ses bois ruisselle de l'eau qui alimente sans cesse la source d'Hvergelmir la mère des rivières primordiales, les Élivágar.

Quatre autres cerfs broutent les feuilles des hautes branches et les jeunes pousses d'Yggdrasil : Duneyrr (Repos ou Aux oreilles sombres), Duraþrór (Sommeil), ainsi que Dáinn (Mort) et Dvalinn ou Dvalarr (Torpide ou Celui Qui Est Lent), qui eux sont en fait des nains. Les deux autres seraient des hommes de Mannheim. Tous quatre sont auraient pris l'apparence de cerfs immortels pour devenir les gardiens des quatre vents, et accepter tiennent un rôle similaire à celui des nains des 4 points cardinaux. Et comme leurs noms indique la mort ou la catalepsie, cela peut indiquer le sacrifice réalisé pour accomplir cette tâche.


Les cerfs sont des animaux importants dans leur représentation de la fertilité avec une certaine virilité de par la connotation phallique des bois. De plus, ils symbolisent la longévité et les cycles car leurs bois poussent chaque année. Eikthyrnir depuis le niveau supérieur du monde alimente les Élivágar, qui se trouvent au niveau inférieur, ce qui en fait un élément essentiel pour celles-ci. Les autres cerfs, dont deux sont des nains, remplissent le rôle de gardien des vents des quatre directions. Ils jouent également un rôle avec le cycle de la vie et de la mort, et avec l'au-delà. D'une part de par le sens de leurs noms et aussi parce que tous ces cerfs se nourrissent des feuilles et des jeunes pousses de l'arbre.

Eikthyrnir s’appelle le cerf
Qui se tient sur la halle de Herjafödr
Et broute les rameaux de Laeradr,
De ses cornes, l’eau ruisselle
Dans la source Hvergelmir,
C’est là que toute rivière a son origine.
Grímnismál, 25 et 26

Quatre cerfs sortent d'une rivière appelée Ifing
ils pâturent tête renversée. Dáin, Dvalin Duneyr
et Durathrór, tels sont leurs noms
Grímnismál, 33

La chèvre

Heiðrún (Secret Lumineux ou Rune Brillante) est une chèvre perchée sur le toit du Valhalla, où pousse l'arbre Laeradr dont elle broute les feuilles. De ses quatre pis coulent de l'hydromel et du vin pour les Inherjar.

Tout comme la vache Audhumla, la chèvre a une fonction nourricière et une symbolique d'abondance et de fertilité. Elle abreuve les Inherjar d'un liquide qui ne nourrit pas leurs corps, mais leurs esprits, le breuvage de la sagesse.

Heiðrún s’appelle la chèvre
Qui se tient sur la halle de Herjafödr*
Et broute les rameaux de Laeradr,
Elle doit remplir une cuve
De pur hydromel.
Cet élixir ne saurait tarir.
Grímnismál, strophes 25 et 26
* " le père des armées", nom fréquent d’Odin dans les poèmes mythologiques

Le coq

Gullinkambi (Crête d'Or) est le coq vivant dans Yggdrasil qui attend de donner le signal aux Ases et aux guerriers du Valhalla pour la bataille finale du Ragnarök. Il a une grande importance, puisqu'il est constamment surveillé par la géante Sinmara qui attend de pouvoir le tuer avec son bâton magique Laevatein (Baton de Destruction ou Rameau Nuisible, fabriqué par Loki, le seul objet capable de l'anéantir). Ceci afin de l'empêcher de donner l'alarme au moment du Ragnarök. La tâche de ce coq consiste aussi à réveiller les Inherjar qui sommeillent, en comptant jusqu'à soixante, soixante fois douze. Il est également nommé Vithofni dans le Fjölsvinnsmál où il surveille la halle de Menglöð.

Le coq est un symbole solaire car il se lève et se couche au rythme du soleil. Par opposition aux deux autres coqs de Jotunheim et Helheim, qui sont rouges, Gullinkambi qui demeure près d'Asanheim, s'illustre par sa Crête d'or (le métal du soleil) qui s'harmonise avec ce royaume lumineux et brillant. Il maintient la continuité d'un cycle dans la mesure où il réveille les Inherjar chaque matin. Mais il est aussi celui qui brise ce cycle puisqu'il est aussi le gardien qui donne l'alerte lors du conflit destructeur. C'est un élément terrestre et aérien, même s'il vole peu. Il représente aussi la fertilité. Il est à l'origine du coq des clochers.


Le sanglier

Saehrímnir (Monstre Couvert de Suie) est le Sanglier qui a la faculté de se régénérer chaque nuit et qui est cuisiné chaque jour par Andhrímnir (Celui Qui est Noirci de Suie) dont la tâche consiste à préparer dans son chaudron Eldhrímnir (Celui Que le Feu Noirci de Suie) le repas destiné aux Inherjar.

Ce sanglier dont le seul rôle consiste à servir de repas aux Inherjar est le symbole de la régénération, et de l'abondance. Il est aussi un symbole de force et de vitalité. Des sangliers étaient d'ailleurs sacrifiés en offrandes à Frey.


Andhrímnir
Fait dans Eldhrímnir
Cuire Saehrímnir,
La meilleure des viandes ;
Mais peu de gens savent
De quoi se nourrissent les einherjar.
Grímnismál, strophe 18

Les cygnes


Deux cygnes blancs se baignent dans l'eaux claire de la source d’Urðr. Tous les cygnes de la terre descendent de ce couple ailé, et tout ce qui s’approche de l’eau sacrée de la source, se revêt de la couleur de la pureté. Ces deux oiseaux solaires au caractère à la fois aquatique, aérien et terrestre, symbolisent l' harmonie, la beauté, l'amour et la fidélité.

Les abeilles

A la source d'Urðr, les branches d'Yggdrasill distillent une rosée dont se nourrissent les abeilles. Celles-ci produisent le miel qui était considéré comme un don céleste puisqu'il est l'un des ingrédients de l'hydromel. Ces abeilles symbolisent la diligence, l'effort, le travail, la coopération, mais aussi l'immortalité de par les vertus du miel et de son usage sacré. Elle sont également liées au soleil et à lumière, notamment parce qu'elles produisent la cire qui sert à fabriquer des bougies.

Le futhark ancien


L'origine des runes est toujours indéterminée, mais le futhark ancien est utilisé depuis le Ier siècle. Il compte 24 runes dont certaines changent parfois de position (les 13ème et 14ème et les 23ème et 24ème). On en retrouve de l'Italie jusqu'à la Scandinavie en passant par l'Allemagne et l'Angleterre. Il fut abandonné après la christianisation au profit du futhark récent, qui est réduit à 16 lettres et du futhorc qui en compta jusque 33.


Les 9 Mondes


Yggdrasil contient l'ensemble de la création symbolisé par les neuf Mondes. Il apparaît donc comme la colonne soutenant les composantes de l’univers perçu par les humains. Ces mondes, peuplés d'entités symboliques, représentent des aspects de la nature et de la conscience. Ils sont nommés de cette façon :

Ásanheim, Monde des Ases,
Álfheim, Monde des Álfes lumineux,
Vanaheim, Monde des Vanes,
Mannheim, Monde des Humains,
Svartalfheim, Monde des Alfes Sombres (ou Nains),
Jötunheim, Monde des Géants du Givre,
Muspellheim, Monde des Géants du Feu,
Niflheim, Monde de la Brume,
Helheim, Monde de Hel.


Comme toutes choses, ils fonctionnent de manières opposées, mais aussi de manières complémentaires. Nous allons voir comment comprendre ces mondes, leurs particularités et leurs rôle dans l'univers. Pour cela il faut envisager plusieurs façons de les percevoir et ce, sous différentes formes d'organisation. Ces formes d'organisation sont toutefois complexes car elles se déclinent sur plusieurs plans, que nous allons tenter de rendre simple au travers des illustrations suivantes.


1) Des mondes d'oppositions
Comme nous l'avons déjà vu dans le mythe de création, le fonctionnement de l'univers repose depuis son commencement sur des antagonismes. Hormis Mannheim (le monde des humains) qui représente une forme d'équilibre et qui ne participe pas au principe créatif, les huit autres mondes peuvent déjà être regroupés par paires de principes opposés. On obtient ainsi :


Muspellheim, sud, feu, chaleur                            Niflheim, nord, glace, froid
Ásanheim, lieu supérieur de la mort guerrière     Helheim, lieu inférieur de la mort profane 
Vanaheim, force de création                                 Jötunheim, force de destruction
Álfheim, lumière                                                  Svartalfheim, obscurité


2) Des mondes d' associations
Comme on le constate également dans la nature, pour obtenir un certain équilibre, il faut des oppositions, ce qui implique aussi des associations ou des complémentarités. On peut donc étudier les neuf mondes sous cet angle. Il faudra tout d'abord se pencher sur un type d'association triangulaire, où les neuf mondes sont regroupés en trois royaumes formant trois trinités élémentaires représentées par les enceintes qui les séparent : 



- Asgarð - l'enceinte des Ases (Asanheim, Alfheim, Vanaheim), le monde de l'air (le ciel) et du feu (le soleil), qui correspond à la conscience supérieure et à la sagesse.
- Midgarð - l'enceinte du Milieu (Mannheim, Muspellheim, Svartalfheim), le monde de la terre et du feu (les volcans), qui correspond à la conscience et à l'action.
- Utgarð - l'enceinte extérieure (Jötunheim, Niflheim, Helheim), le monde de l'eau et de la glace, qui correspond à l'inconscient et à la réflexion.



La triplicité de ces royaumes peut alors se décliner suivant une autre répartition élémentaire. On peut donc en déduire une nouvelle forme d'organisation, également triangulaire, où l'Univers est aussi structuré sur trois niveaux, comportant chacun trois mondes différents. Ce qui donne la configuration suivante découlant de la première trinité que nous venons d'étudier. 





On remarquera que dans certains cas c'est Muspelheim et Niflheim qui se trouvent aux extremités puisqu'ils correspondent au nord et au sud. Et dans d'autres, ce sont Asanheim et Helheim qui sont placés aux extrémités puisque l'un est le monde le plus haut et l'autre le plus bas. 




Mondes du feu ou de la lumière : Muspellheim, Álfheim et Ásanheim.
Mondes de la terre : Vanaheim, Mannheim et Jötunheim.
Mondes de l'obscurité : Svartalfheim, Helheim et Niflheim.


En conservant la triple structure précédente, on peut aussi observer les 9 Mondes comme un continuum entre l'extrémité Sud, Muspellheim, monde de la chaleur et du feu, et l'extrémité Nord, Niflheim, monde du froid, du vent et de la brume. De plus, Niflheim n'est pas à proprement parler un monde souterrain, mais plutôt l'entrée du monde souterrain de Helheim. Et de la même manière, Muspelheim est un monde terrestre lié au feu.

Sud
1. Muspellheim, le monde du feu et de la chaleur
2. Ásanheim, le monde des Ases
3. Álfheim, le monde des Alfes lumineux
4. Vanaheim, le monde des Vanes (Ouest)
5. Mannheim, le monde des humains
6. Jötunheim, le monde des géants du givre (Est)
7. Svartalfheim, le monde des nains ou Alfes sombres
8. Helheim, le monde des morts
9. Niflheim, le monde du froid, de la brume et des ténèbres
Nord
         



Il est maintenant possible d'envisager la dernière forme d'organisation où les 9 Mondes sont répartis en fonction de leur localisation dans l'espace, ce qui donne la configuration suivante.





 

a) Aux niveaux supérieurs, se situent les mondes célestes :

Ásanheim, qui se dresse au-dessus de tous les mondes, royaume des Ases où les morts tombés au combat résident à la Valhöll ou à Sessrumnir ;

Álfheim, juste en dessous d'Asanheim et au-dessus du monde des humains, le Monde des Alfes lumineux.

b) Au niveau central se situent, sur le même niveau, les mondes terrestres :

Vanaheim, à l'Ouest, le royaume des Vanes ;

Niflheim, au Nord, le monde de la glace et des brumes ;

Mannheim, au centre, le royaume des humains ;

Muspellheim, au Sud, le monde du feu et de la chaleur, le royaume des Géants du Feu.

Jötunheim, à l'Est, le royaume des Géants du Givre.

c) Aux niveaux les plus bas se situent les mondes souterrains :

Svartalfheim, juste en dessous du monde des hommes, le royaume des Nains (ou Alfes Sombres) ;

Helheim, sous tous les mondes, le domaine des morts.

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Le Mythe de Création


Je me rappelle des géants de ces temps primordiaux,
eux qui m'ont donné naissance autrefois.
Neuf mondes je peux compter,  les neuf énormes étendues,
dans le Glorieux Arbre du Monde, encore profondément sous terre.
Völuspa strophe 2

C’était au premier âge où Ymir était établi là,
il n’y avait rien, ni sable, ni mer, ni froides vagues ;
la terre n’existait pas, ni les hauteurs du ciel,
béant était le vide et d’herbe nulle part.
Völuspa strophe 3


Ginnungagap (le Vide)

Dans son ouvrage, le Grand Dessein parut en 2010, Stephen Hawking, précise  que "L'Univers a la capacité de se créer à partir de rien. La création spontanée est  la raison pour laquelle il y a quelque chose plutôt que rien, et pour laquelle  l'Univers existe. […] Il n'est pas nécessaire d'invoquer Dieu pour allumer le courant  ni pour agencer l'Univers." Ce scientifique qui se penche depuis de nombreuses  années sur l'origine de l'univers en a surtout conclut qu'il n'était pas utile de songer  "qu'un créateur bien intentionné ait façonné l'univers pour notre seul bénéfice".  C'est la même analyse qui ressort des principaux textes fondateurs chez les  peuples germains et scandinaves puisque les puissances créatrices ne sont pas  les puissances organisatrices, et que ces dernières servent avant tout leurs  propres intérêts.

L'explication de la naissance et de l'agencement du monde dans la mythologie  nordique (principalement dans la Völuspa et la Gylfaginning, mais aussi dans le Vafthrudhnismàl) ressemble à de nombreux autres mythes créateurs, mais malgré toute la simplicité qu'elle comporte, l'idée d'un univers infini et du big bang se retranscrit dans le concept du gouffre insondable, demeure de la contraction et du  magnétisme, la force de l'antimatière, Ginnungagap (Vide Béant ou Vide  Fascinant, ou l'Espace Primitif Empli de Puissance Créatrice), qui perdure ou disparaît une fois sa fonction créatrice achevée, cela dépend des textes. Pour les  nordiques, en tout cas, cette immensité est l'espace où s'exercent les forces  magiques et la source de tout. Car de ce vide néanmoins fertile, deux mondes  antagonistes naquirent, chacun dans une direction opposée.


Niflheim (la glace) et Muspellsheim (le feu)

Au nord, Niflheim, le monde de la brume et des glaces qui génère la source  Hvergelmir (Chaudron qui gronde), d'où jaillissent 12 rivières, les Élivágar (Flots Tumultueux ou Vagues de glace), ces rivières méphitiques, des fleuves  primordiaux, empoisonnés et tumultueux gelèrent en tombant dans Ginnungagap,  formant ainsi de gigantesques blocs de glaces.
Et au sud Muspellsheim, le monde du feu et de la chaleur. Les étincelles du  brasier de ce monde ardent vont faire fondre les rivières glacées dans  Ginnungagap. La fonte de ces masses de glaces va donner l'eau et la vapeur  (l'air) de la vie ; et de ces deux élément sortiront deux êtres qui symbolisent eux- mêmes un nouvel élément, la terre. L'alchimie fertilisante du trou noir  Ginnungagap et la rencontre de toutes ces forces primordiales aboutit donc à  l'apparition des 5 éléments : la glace, le feu, l'eau, l'air et la terre.


Ymir (le géant primordial) et Auðumla (la vache nourricière)

C'est ainsi qu'Ymir (le Rugissant), le géant primordial et androgyne fut créé, par la  rencontre entre la chaleur incandescente de Muspelheim et le froid glacial et  venimeux de Niflheim. Il est le premier géant du givre dont descendent les jotüns.  La naissance d'Ymir évoque la conception des forces redoutables de la nature  liées à la période hivernale : le froid, le vent, la tempête, le gel, la neige. Et puisqu'il  correspond en tant que géant, aux forces et aux énergies les plus primitives, il  s'incarne aussi dans le feu, les volcans, et donc en Surtr (le Noir), le premier géant  du feu qui incendiera le monde lors du Ragnarök. Les géants ne sont pas des  aspects négatifs ou maléfiques, mais des éléments naturels (la glace et le feu),  antagonistes et autant destructeurs que créateurs. Et rien ne les empêchera de  perdurer. Avant la venue des Ases, et suite à une période de plusieurs hivers, les  premiers géants apparurent. Ils sont nés de la transpiration d'Ymir pendant le  sommeil de celui-ci. Un homme et une femme sortirent sous son bras, et un géant  à six têtes de sous son pieds, Þrudgelmir (Puissance qui Tonne).
« Alors qu’il dormait, il entra en transpiration, et alors crûrent sous son bras  gauche un homme et une femme, […] et de là provinrent les races. »  (Gylfaginning, chap. 5).

Auðumla (Nouricière ou Richesse de la Vache sans corne ou la vache sans corne  qui est riche (en lait)), la vache originelle, la force créatrice du cosmos créée à  partir de la vapeur également générée par la rencontre entre la chaleur de  Muspelheim et le froid glacial de Niflheim. En trois jours, elle engendre l'ancêtre  des ases, Búri, en léchant, pour se nourrir, une pierre de givre salée de  Ginnungagap. Et puisqu'elle est nourricière, elle abreuve le géant Ymir de quatre  fleuves de lait coulant de son pis (qui symbolisent la voie lactée), et sans doute  aussi sa descendance.

« Elle léchait les pierres couvertes de givre, qui étaient salées, et le premier jour  qu’elle les lécha, sortit de la pierre, vers le soir, la chevelure d’un homme, et le  lendemain, une tête d’homme ; le troisième jour, l’homme était sorti tout entier. Il  s’appelait Búri » (Gylfaginning, chap. 5).


La naissance des ases et la mort d'Ymir

Búri (Celui Qui Engendre ou Père) fut donc l'ancêtre des ases et le père de Borr  ou Burr (Celui Qui est Engendré ou Fils), qui épousa Bestla (Epouse), fille du  géant BölÞorn (Epine de Malheur) et soeur de Mimir (Mémoire). Borr et Bestla  eurent trois fils : Óðinn (Fureur), Vili (Volonté) et Vé (Enclos Sacré), les premiers  ases. Vili est aussi appelé Hoenir (le Fort ou Celui Qui Aide), et Vé, Lodur  (Croissance, Fructueux, Fertile).

Après la naissance de ces trois enfants, on assiste à la destruction du monde  primitif, comme avec les Titans en Grèce, anéantis par les nouveaux dieux Zeus,  Poseidon, et Hades,. En effet, Óðinn, Vili et Vé, de peur d'être écrasés par les  géants qui se multipliaient, tuèrent Ymir, et son sang noya tous ses descendants,  les géants du givre, à l’exception de son petit-fils Bergelmir (Montagne Qui Tonne)  - fils de Þrudgelmir - et de sa femme qui parviennent à s'échapper dans un tronc  creux (qui deviendra plus tard leur cercueil), et maintiendront ainsi la lignée des  géants, en se réfugiant à Jötunheim. Ce qui implique que malgré l'intervention des  ases, les géants demeurent des éléments essentiels dans le fonctionnement des  mondes. Ces êtres archaïques, originels, qui remontent au chaos premier,  demeurent pourtant nombreux, possédant une force colossale et détenteurs de la  connaissance et de la magie ancestrales, symbolisent les forces vitales  primordiales.


La création du monde

Mais le meurtre d'Ymir est cependant créateur. Avec sa chair placée au centre du  Ginnungagap, les ases formèrent la terre avec son corps, puis les montagnes et  les rochers avec ses os, les pierres avec ses dents et la mer avec son sang et  avec ses cheveux les forêts. Ils prirent aussi son crâne et en firent la voûte céleste,  supportée en quatre points cardinaux par des nains. Avec ses cils, ils créent la  forteresse qui sera la barrière avec le monde des géants, Midgarð. Du corps  d'Ymir surgit également l'arbre primordial, le frêne Yggdrasil (Destrier du  Redoutable) s'érigeant pour soutenir les neuf Mondes (Asgarð : Ásanheim,  Álfheim et Vanaheim, Midgarð : Mannheim, Svartalfheim, Muspellheim, Utgarð :  Jötunheim, Niflheim, Helheim).

Voici la construction du monde selon la Gylfaginning :
Ils prirent Ymir et le placèrent au milieu de Ginnungagap et firent de lui la terre, de  son sang, la mer et les lacs ; la terre fut faite de sa chair, les montagnes de ses os,  les amas de pierres et les cailloux, de ses dents et des condyles qui s’étaient  brisés. […] Du sang qui coulait de sa blessure et ruisselait librement, ils firent la  mer quand il formèrent la terre, et placèrent cette mer en rond tout autour de la  terre. […] Ils prirent aussi son crâne et en firent le ciel, le posèrent au dessus de la  terre, sur quatre coins, et sous chaque coin, ils placèrent un nain : ceux-ci  s’appelaient Est (Austri), Ouest (Vestri), Nord (Norðri), Sud (Suðri). Ensuite ils  prirent les étincelles et les scories qui passaient alentour et avaient été projetées  hors de Muspelhiem, et les jetèrent au milieu de Ginnungagap dans le ciel à la fois  vers le haut et vers le bas pour éclairer le ciel et la terre. […] Il est dit dans les  anciens poèmes de sagesse que c’est depuis ce temps-là qu’on distingue le jour  de la nuit et qu’on compte le temps par années. […] La terre est toute ronde et à  l’extérieur se trouve la profonde mer, et le long du rivage de cette mer, ils  donnèrent aux races des géants de la terre à bâtir ; mais plus loin vers l’intérieur  de la terre, ils bâtirent une forteresse autour de leur domaine pour se défendre  des géants. Pour cette forteresse, ils employèrent les cils d’Ymir, et ils appelèrent  la forteresse Midgarð. Ils prirent aussi sa cervelle et la jetèrent en l’air et ils en  firent les nuages.


Les premiers nains

Du cadavre d'Ymir sortirent des larves qui vécurent sous la terre et auxquels les  dieux donnèrent apparences humaines et intelligence, ce furent les nains qui  vivent depuis sous terre et dans les pierres. "Ce fut Móðsognir (Fatigué ou Voleur  d'énergie) le plus puissant de tous les Nains, et Durin (Somnolant ou Gardien de l'Entrée) après lui ; les nains  ont fait comme Durinn l'indiqua, de terre, un grand nombre de formes humaines.".  Völuspa 10.


Les premiers humains et leurs contreparties obscures

Jusqu’à ce que trois quittent leur famille,
puissants et bienveillants ases vers leur demeure.
Ils ont trouvé Frêne et Orme sur terre,
sans forces, et sans örlög (destin).
Voluspa 17.

Ils n'avaient ni souffle, ni sens, ni sang,
Ni son, ni couleur de vie :
Óðinn leur donna le souffle, Hoenir les sens,
Lodur donna sang et couleur de vie.
Voluspa 18.

Enfin, avec des arbres, les trois ases façonnèrent également les premiers êtres  humains, un homme, Askr (le frêne) et une femme, Embla (l’orme). Et l'on constate  que chacun d'entre-eux joue un rôle important dans leur création comme  l'explique aussi la Gylfaginning : “Quand les fils de Borr allèrent le long du rivage  de la mer, ils trouvèrent deux souches d’arbres et les prirent et en façonnèrent des  êtres humains ; le premier (Oðinn) donna souffle et vie (ou önd), le second (Vili),  conscience (l’oðr) et mouvement, le troisième (Vé ) apparence (ásjóna), parole  (mál), ouïe (heyrn)  et vue (sjón). Ils leur donnèrent des habits et un nom : l’homme  fut appelé Askr et la femme Embla. Et par eux fut engendrée la race des hommes  qui put vivre et habiter dans Midgarð.”

Ainsi les humains vont peupler Mannheim (monde des hommes) qui se situe au  centre de l'arbre Yggdrasil. Les dieux choisirent alors leur propre lieu de  villégiature, Asanheim, et plus particulièrement la plaine d'Iðavöll, où ils bâtirent  douze halles et fabriquèrent des outils pour créer les tablettes d'or, entrant ainsi  dans l'Age d'Or, que l'on retrouve également dans les éons d'autres philosophies.  Cet Age d'Or s'achève avec la venue de trois géantes, les Nornes qui s'installent  au pieds de la racine d'Yggdrasil située à Ásgarð. Et aussi avec la naissance de  Fenrir, Jörmungandr et Hel, la progéniture de Loki, dont l'aspect destructeur  demeure pourtant un garant de l'équilibre du monde, et surtout est inscrit dans le  wyrd. Ainsi Fenrir engendre avec la géante Járnviða, les Managarm, (Les Chiens  de Lune) qui constituent une trinité obscure dans le ciel et le monde souterrain. On  retrouve Garm, le gardien de Helheim, et Skoll et Hati qui poursuivent Sol et Mani  dans les cieux pour les dévorer et replonger le monde dans les ténèbres  originelles. 


Le Ciel, les astres et le temps

Après avoir créés les nains, Óðinn, Vili et Vé placèrent quatre d'entre-eux à  chaque direction pour soutenir la voute céleste, faite de la tête du géant Ymir, afin  qu'elle ne puisse tomber.  Le ciel est aussi appelé "Fardeau d'Austri", "Fardeau  des parents de Nordri" ou " casque de Vestri et Austri, Sudri et Nordri". Parmi les  nains certains jouent également un rôle dans la course du temps comme Nýi  (Nouvelle Lune) et Niði (lune décroissante ou nuit sans lune).

Austri - (Est) est le nain "oriental", situé à l'est du Monde.
Nordri - (Nord) est le nain "septentrional", situé au nord du Monde.
Sudri - (Sud) est le nain "méridional", situé au sud du Monde.
Vestri - (Ouest) est le nain "occidental", situé à l'ouest du Monde.

Pour éclairer le ciel, les ases prirent des étincelles de Muspelheim et en firent les  étoiles, et comme il n'y avait ni jour ni nuit, ils envoyèrent parcourir le ciel à la  géante Nótt (Nuit) et à Dag (Jour) le fils qu'elle eut avec l'ase Delling (Saut du Jour  ou Aube). Nótt est la fille du géant Norfi ou Nór (Etroit), le fils du géant de l'hiver,  Þorri. Le cheval qui tire le char de Nótt se nomme Hrimfaxi (Crinière de Givre) et  l'écume qui s'écoule de sa bouche donne la rosée matinale. Le cheval qui tire le  char de Dag se nomme Skinfaxi (Crinière de Lumière) ou Glaðr (Brillant), et le ciel,  la terre et la mer sont illuminés par sa crinière.

« Il y avait un géant qui s’appelait Norfi, qui habitait à Jötunheim. Il eut une fille qui  s’appela Nótt ; elle était noire et sombre, selon ses antécédents. […] Delling  l’épousa, il était de la race des Ases ; leur fils fut Dag. Il était clair et beau, selon  ses antécédents paternels. Ensuite Alfadr (le père suprême, Odin) prit Nótt et son  fils Dag, leur donna deux chevaux et deux chariots, et les envoya dans le ciel pour  qu’ils en fassent le tour chaque jour. »
(Gylfaginning, chap. 10)

Ils sont obligés de parcourir avec
rapidité le ciel en un jour, afin de compter les années
des fils des hommes.
Vafthrudhnismàl 23

Ensuite les ases envoient les enfants d'un homme et d'une femme de Manaheim,  Mundilfari (Conducteur du Temps) et Glaur, pour accompagner Nótt et Dag. C'est  parce que ces deux enfants étaient si beaux que les ases s'en offusquèrent et  décidèrent de les placer dans les cieux pour accompagner le jour et la nuit dans  leur course céleste.

Depuis, Mani, dirige La Lune (que les Ases nomment Flamme, les Géants, La  Mouvante, et les habitants de Hel Roue Tourbillonnante, les Nains, La Brillante et les Alfes Conteuse du Temps), son mouvement, ses phases, et il a enlevé les  deux enfants de Viðfinnr (Sorciers des Bois), Bil (Paralysie de l'Energie) et Hjuke  (Amélioration ou Santé), qui personnifient les phases décroissante et  croissante de la lunaison pour l'aider dans sa tâche. Mani est poursuivi par le loup  Hati. Les éclipses de lune surviennent lorsque Hati se rapproche trop de Mani.

Sol ou Sunna, femme de Glenr (Le Scintillant ou Ouverture Dans les Nuages), mène le char du Soleil (que les Géants nomment Toujours Brillant, les Nains Celui Qui Trompe Dvalin et les Alfes Belle Roue), tiré par deux chevaux, Arvaki ou  Arvakr (Tôt Levé) et Alsvinn ou Alsvidr (Très Rapide), sur l'encolure desquels sont  disposés d'énormes soufflets nommés Isarnkol (Le Froid de Fer ou le Vent Froid  Comme le Fer). Devant le soleil est placé le bouclier Svalin (Glacial) qui l'empêche  de brûler la terre. Sol est poursuivie par le loup Skoll. Celui-ci la dévorera et la fille  de Sol la remplacera après le Ragnarök. Les éclipses de soleil surviennent  lorsque Skoll se rapproche trop de Sol.

Mais le bon fonctionnement de l'univers mis en place par les ases repose en fait  sur le frêne Yggdrasil qui garantit l'équilibre entre les neuf mondes malgré leurs  oppositions et antagonismes.