13/02/2016

L'ancien calendrier nordique


Les mois et jours de la semaine

Le calcul du temps se fait dans les régions boréales de manières différentes, et selon la mythologie, ce sont les ases qui l'ont insaturé (cf. Völuspa, Vafþrúðnismál). Dans les contrées où les hivers (très longs) et les été sont les deux axes d'une année, la vie s'organise différemment. Déjà, l'influence de l'hiver et de l'obscurité se manifeste par exemple dans la manière de compter les jours et les années puisqu'ils sont alors remplacés par nuits et hivers. Ensuite la répartition des moments de la journée étaient des repères horaires. Régis Boyer y ajoute les directions cardinales du passage du soleil.

rismál (heure du lever) : 6h (austr/est)
dagmál (heure du dejeuner) : 9h (landsuðr/sud-est)
hádegi (midi) : 12h (suðr)
eykt (période de trois heures) : 15h (útsuðr/sud-ouest)
miðr aptann (milieu du soir) : 18h (vestr)
náttmál (heure de la nuit) : 21h (útnorðr/nord-ouest)
miðnátt (minuit): 0h (norðr//nord)
ótta : 3h (landnorðr/nord-est)


Les jours de la semaine


Le calendrier Grégorien fut imposé par le christianisme (et en l'occurrence par le pape Grégoire XIII qui lui donna son nom) en 1582 et s'inspirait, en le modifiant, du calendrier Julien. Ainsi, les noms des jours de la semaine et des mois que nous utilisons actuellement, furent développés par les romains, et se réfèrent principalement à leur panthéon mythologique. Car le culte chrétien qui supplanta les religions polythéistes de l'Europe les adapta, et notamment les cultes païens allant de l'Angleterre à la Scandinavie, pour en absorber les structures et les bases afin de mieux s'enraciner. Mais l'on constate que dans certains pays, l'étymologie scandinave et saxonne des jours de la semaine ont conservé des liens avec les divinités nordiques, notamment en Angleterre, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Scandinavie (sauf en Islande).

Ces jours étant nommés en références à des divinités, cela pouvait impliquer leur vénération et leur consécration. Les rituels et blót pouvaient aussi se tenir dans un contexte temporel précis.

Dans l'Edda Saemundar hins Fróda, le Specimen Calendarii Gentilis, au chapitre Aefinrunar ok Aldrunar (runes des ancêtres et runes de vie) fournit des indications sur les jours, les mois et les fêtes.

Sunnudagr - Sunna’s day - Sunday/Sonntag/Zondag/Söndag - Jour du Soleil
(Dimanche - Dies Dominicus  - jour du Seigneur)
Est le jour de Sunna, dont la rune est sól/sowilo (s), favorable pour effectuer une adoration pour le soleil et des opérations magiques en lien avec le soleil, la lumière, la fertilité.

Mánadagr - Mani’s day - Monday/Montag/Maandag/Måndag - Jour de la Lune
(Lundi - Dies Lunae - jour de la Lune)
Est le jour de Máni, dont la rune est maðr/manaz (m), favorable pour effectuer une adoration pour la lune et des opérations magiques en lien avec la lune, l'obscurité, la mort.

Týsdagr - Tyr’s day - Tuesday/Dienstag/ Dinsdag/Tisdag - Jour de Týr
(Mardi - Dies Martis - jour de Mars)
Est le jour de Týr, dont la rune est týr/teiwaz (t), favorable pour effectuer une adoration pour Tyr et des opérations magiques en lien avec la justice, une situation conflictuelle, le courage, les serments.

Óðinsdagr - Óðin’s day - Wednesday/Mittwoch/Woensdag/Onsdag - Jour d'Óðinn
(Mercredi - Dies Mercurii - jour de Mercure)
Est le jour d'Óðinn, dont la rune est oss/othala (o), favorable pour effectuer une adoration pour Óðinn et des opérations magiques en lien avec la sagesse, une situation conflictuelle, la mort.

Þórsdagr - Þór’s day - Thursday/Donnerstag/Donderdag/Torsdag - Jour de Þórr
(Jeudi - Dies Jovis - jour de Jupiter )
Est le jour de Þórr, dont la rune est Þurs/Þurisaz (Þ), favorable pour effectuer une adoration pour Þórr et des opérations magiques en lien avec la fertilité, la protection, la consécration, une situation conflictuelle, la guérison.

Frjádagr - Freya’s day - Friday/Freitag/Vrijdag/Fredag - Jour de Freya
(Vendredi - Dies Veneris - jour de Vénus)
Est le jour de Freya, dont la rune est fé/féhu (f), favorable pour effectuer une adoration pour Freya et des opérations magiques en lien avec la fertilité, la mort, une situation conflictuelle, la guérison, la sexualité.

Laugardagr - Wash day ou Loki’s day - Saturday/Samstag/Zaterdag/Lördag - Jour de Saturne
(Samedi - dies Saturni - jour de Saturne) - mais pour ce dernier cas, la référence à Saturne est demeurée dans l'étymologie saxonne et latine.
Est le jour du bain ou le jour de Loki, dont la rune est lögr/laguz (l), favorable pour effectuer une adoration pour l'eau ou pour Loki et des opérations magiques en lien avec la purification par l'eau, ou en lien avec les différents aspects de Loki.


Les mois


L'année (Ar) est coupée en deux saisons égales de six mois ou semestres (Misseri) : celle des jours les plus sombres de l'année, Skammdegi (Courtes Journées), ou Hiver (Vetur) et celles des jours les plus lumineux, Nóttleysi (Journées sans Nuits), ou Été (Sumar). Mais le Printemps (Vaar) et l'Automne (Haust) sont également célébrés lors des équinoxes. Elle comporte douze mois calculés sur les lunaisons (l'intervalle entre deux nouvelles lunes consécutives), et ils démarrent aux alentours du 20-25 de chaque mois du calendrier Grégorien (d'ailleurs, le mot manudr, mois, vient de Mani, la Lune). Leur signification se réfère principalement aux activités agricoles ou à la météo. Suivant les lieux et les périodes, les noms des mois diffèrent et parfois se répètent. Toutes les variantes sont précisées à titre indicatif. Ces mois sont référencés dans, le Grágás, l'Edda de Snorri Sturlusson et le Bókarbót. En Islande ils furent en usage jusqu'au XVIIIème siècle.
L'Aefinrunar ok Aldrunar attribue également à chaque mois un ase tutélaire et sa halle située dans la plaine d'Iðavöll à Asanheim, ainsi qu'un grand nombre de blót, des célébrations qui ponctuent chaque mois.

Dans le Skáldskaparmál est ainsi détaillée la course de l'année :


C'est l'automne à partir de l'équinoxe jusqu'au moment où le soleil se lève trois heures et demies après midi. Alors l'hiver dure jusqu'à l'équinoxe. Puis c'est le printemps jusqu'aux jours intercalaires. Puis l'été jusqu'à l'équinoxe. Haustmánuðr est le mois précédant l'hiver, le premier mois de l'hiver est gormánuðr, puis rermánuðr, puis hrútmánuðr, puis þorri, puis gói, puis einmánuðr, puis gaukmánuðr et sáðtíð, puis eggtíð et stekktíð, puis sólmánuðr et selmánuðr, puis heyannir, puis kornskurðarmánuðr.



Les 12 mois de l'année


Skammdegi (Vetur) - Courtes Journées (Hiver)



Gormánuðr (Mois de l’Abattage)
Gormanoðr/ Gormánuður /Gormánaðr ou Vetr (Hiver)
23 Octobre - 22 Novembre
Est régi par Víðarr qui demeure à Landvidi (Vaste Domaine).

Gormánuðr est le premier mois de l’hiver, celui de la fête des nuits d’hiver, Vetrnóttablót qui à lieu au début de ce mois (du 29 Octobre au 2 Novembre) et de l’Alfablót (7 Novembre). On souhaite la bienvenue à l’hiver et on fait des offrandes pour avoir une bonne année. C'est le moment où commence l’abattage des animaux en prévision de la période froide, la viande sera salée, fumée ou congelée dans le sol.

Ýlir (Jol)
ou Frermánuðr/Frermánaðr (Mois du Gel)
23 Novembre - 22 Décembre
Est régi par Ullr qui demeure à Ýdalir (Vallée des Ifs).

Ýlir est le second mois de l'hiver. Il correspond à l'arrivée du Jólablót  qui dure du 20 au 31 décembre, le 21 étant la date du Solstice d’Hiver (Vetur Solhvörf). Il fait surtout référence à la rudesse du climat en cette période. Les loups sont aussi en quête de nourriture, et le soleil (Sól) se cache pour échapper à son poursuivant, le loup Skoll.

Mörsugr (Mois du suceur de graisse)
Mörsugur ou Jólmanoðr (Mois de Jol) ou Hrutmánuðr/Hrutmánaðr (Mois du Bélier)
23 Décembre - 21 janvier
Est régi par Freyr qui demeure à Álfheim (Monde des Alfes).

Mörsugr est le troisième mois de l'hiver. Il fait référence à la viande qui est mangée notamment lors du Solstice d'Hiver, le 21 décembre et le Jólablót qui dure du 20 au 31 décembre. Le milieu de ce mois, le 12 Janvier, correspond au milieu de l'hiver (Miðvetr) qui peut être l'occasion d'un blót nocturne, le Hoggunótt ou Hökkunótt ou Haukanótt (Nuit Ultime ou Nuit Extrême).

Þorri (un géant, esprit de l'hiver)
ou Miðvetr (milieu de l'hiver)
22 Janvier - 20 Février
Est régi par Váli qui demeure à Valaskjálf (Tour des Tués ou Tour de Váli).

Þorri est le quatrième mois de l’hiver. Þorri est un géant du givre, issu de la famille des esprits de l’Hiver. Ce mois se réfère autant à Þórr qu’à l’esprit de l’hiver, Þorri. C’est la période de la célébration du Þorrablót qui a lieu lors de la pleine lune de Janvier (le 22) et du Dísarblót (1er Février). On fête aussi le Valisblót (14 Février). Le premier jour de ce mois est le Bóndadagur (jour du mari), car Þorri est le mois des hommes, et les femmes doivent prendre soin de leur mari.

Gói (neige poudreuse, une géante du givre, fille de Þorri)
21 Février - 22 Mars
Est régi par Sága qui demeure à Sœkkvabekk (Vaisseau qui Sombre ou Halle Engloutie).

Gói est le cinquième mois de l’hiver et le mois des femmes qui commence par le Konudagur (jour de la femme). C’est au tour des hommes de prendre soin de leur femmes. On sait peu de choses sur Gói, hormis qu’elle est la fille de Þorri. La tradition orale islandaise parle d’un blót de bienvenue à Gói (Góiblót) célébré par les fermiers le 21 Février.

Einmánuðr (Un Mois)
Einmanoðr/Einmánuður /Einmánaðr
23 Mars - 21 Avril
Est régi par Óðinn qui demeure à Glaðsheimr  (Monde Eclatant).

Einmánuðr est le dernier mois de l'hiver et c'est le mois des petits garçons. La neige a fondu et les activités extérieures reprennent, on entretient alors les habitations et les haies. On se prépare aussi pour les vaar leding (expédition de printemps). Le mois commence le 23 mars, jour de l'Equinoxe de Printemps (Jamvaar ou Jafndaegur) et c'est l'occasion d'une fête de la fertilité, le Várblót.


Náttleysi (Sumar) - Journées sans Nuits (Été)



Saiðtið (Temps des Semailles)
Sáðtíð ou Harpa (Signification inconnue) ou Sumar (Eté) ou Fyrsti Manoðr (Le Premier Mois) ou Gaukmámaðr/ Gaukmánuðr  (Mois du Coucou)
22 Avril - 21 Mai
Est régi par Skaði qui demeure à Thrymheim (Séjour du Bruit).

Avec Saiðtið commence l’été, et en ses premiers jours est célébré le Sigrblót (22 Avril), la fête pour la victoire à laquelle succède la fin de la chasse sauvage (Oskoreia) du 22 Avril au 1er Mai. Saiðtið est le mois des petites filles comme Einmánuðr est le mois des petits garçons.
Eggtið (Temps de l’Oeuf)
ou Annar Manoðr (Second Mois) ou Stekktið (le Temps des Parcs à Moutons) ou Skerpla (Signification inconnue)
22 Mai - 20 juin
Est régi par Baldr qui demeure à Breiðablik (Large Eclat).

Eggtið est le second mois de l'été. C'est une période consacrée à l'élevage. Les animaux qui viennent de naître vont être sevrés et c'est aussi la tonte des moutons.

Sólmánuðr (Mois du Soleil)
Sólmánuður/Sólmánaðr ou  Selmánuðr/Selmánaðr (Mois de la Bergerie) ou þriþi Manoðr (Troisième Mois)
21 juin - 24 Juillet
Est régi par Heimðallr qui demeure à Himinbjorg (Montagnes du Ciel).

Sólmánuðr est le troisième mois de l'été. C'est le mois du soleil car c'est le moment le plus lumineux, surtout dans le nord. C'est l'époque de la transhumance qui dure deux mois et c'est là ou a lieu la transformation des produits laitiers. Le mois commence avec le solstice d'été (Sumars Solhvörf), on célébre le Soleil en ce jour lors du Midsumarblót. Et notamment par un feu de joie, car en cette période les Alfes viennent danser avec les humains, les femmes se roulent nues dans la rosée pour devenir fertiles, et la nuit est bonne pour la divination.

Heyannir (Mois des Fenaisons)
Fiorþi Manoðr (Quatrième Mois) ou Miðsumar (Milieu de l'Eté)
25 Juillet - 24 Aout
Est régi par Freyja qui demeure à Fólkvángr (Plaine des Troupes).

Heyannir est le quatrième mois de l'été. C'est le mois des fenaisons, on prépare le foin pour l'hiver. On célèbre le Lithasblót (1er aout). Il était également appelé Ormamánuður (Mois du Serpent) dans certaines parties de la Scandinavie.

Tvímánuðr (Mois Double)
Tvímánuður/Tvimanoðr/Tvimánaðr ou Kornskurðarmánuðr/Kornshurðarmánaðr (Mois de Récolte des Graines) 
25 Aout - 22 Septembre
Est régi par Forseti qui demeure à Glitnir (La Brillante).

Tvímánuðr est le cinquième mois de l'été, et il se traduit soit par "Deux Mois" soit par "Mois Double". Comme Haustmánuðr, il pouvait être appelé Kornskurðarmánuðr (Mois de Récolte des Graines). C'est la période des moissons et du Freysblót (28 Aout).

Haustmánuðr (Mois d’Automne)
Haustmánuður/Haustmánaðr  ou Setti Manoðr (Sixième Mois) ou Kornskurðarmánuðr/Kornshurðarmánaðr (Mois de Récolte des Graines) 
23 Septembre - 22 Octobre
Est régi par Njörðr qui demeure à Noátún (Enclos aux Bateaux).

Haustmánuðr est le dernier mois de l’été. C’est le mois de l’automne, celui du Haustblót qui à lieu lors de l’équinoxe, le 23 Septembre. Et l'on ramasse les fruits tardifs, les noix les noisettes et les pommes, ainsi que les champignons. C'est aussi le mois des fiançailles et des mariages.


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A titre informatif, la signification des mois du calendrier Grégorien, inspirés du calendrier Romain.

Janvier (januarius) le mois du dieu romain Janus, gardien des portes.
Février (februarius) le verbe februare signifiant purifier, c'est le mois de la purification.
Mars (marsius) le mois du dieu romain de la guerre, Mars.
Avril (aprilis) qui signifie ouvrir, sans doute en référence aux fleurs.
Mai (maius) le mois de la pléiade romaine, Maia.
Juin (junius) le mois de déesse romaine Junon
Juillet (julius) le mois de Jules César.
Aout (augustus) le mois d'Auguste César.
Septembre (septem) était le septième mois du calendrier Romain.
Octobre (octo) était le huitième mois du calendrier Romain.
Novembre (novem) était le neuvième mois du calendrier Romain.
Décembre (decem) était le dixième mois du calendrier Romain.

Textes & traductions : S. Rosenberg



14/01/2016

Le poème runique Anglo-Saxon (750-950)


Le poème runique Anglo-Saxon, rédigé en vieil anglais, est le plus ancien, et il établit une liste de 29 runes du futhorc (qui en a contenu jusque 33). Il est difficile à dater précisément, mais il aurait été rédigé entre la fin du VIIIème siècle et le début du Xème siècle. Cela correspond à l’époque de la christianisation, ce qui se reflète particulièrement dans les strophes du poème dont sont totalement absentes les références païennes. De plus, le manuscrit original, conservé à la bibliothèque Cotton (Otho B.x, fol. 165a - 165b) fut perdu lors d’un incendie en 1731. Cependant, Humfrey Wanley (1672-1726) en avait fait une copie, publiée en 1705 dans le Linguarum veterum septentrionalium thesaurus de l’historien George Hickes.


Mais il semble que cette copie ne soit pas fidèle à l’originale. En effet Hickes a recopié le poème en prose, l’a divisé en 29 strophes et a ajouté les runes en face de chacune d’entre-elles. Car le texte ne semblait pas, initialement, contenir le nom des runes, celles-ci constituant plutôt la réponse à l’énigme posée par la strophe (ce qui devait être aussi le cas des autres poèmes runiques). De plus, Hickes donne des variantes pour cinq runes (wenne, hægl, nyd, eoh, et ing) et quatre runes (cweorð, kalc, stan et gar) figurant en bas de pages ne font pas partie du poème.


f
Feoh (Argent)
L’argent est un confort pour tous ;
cependant chacun doit beaucoup partager
s’il veut être approuvé par le Seigneur. 


u
Úr (Aurochs)
L’aurochs est résolu, il a de puissantes cornes ;
une bête féroce luttant avec ses cornes,
fameux coureur de landes, c’est un combattant.


th
ðorn (Epine)
L’épine est extrêmement piquante ;
pour les nobles, la saisir est un tourment ;
excessivement cruelle pour quiconque s’étend sur elle. 


o
Os (Bouche)
La bouche est source de tout langage,
soutien de la sagesse et confort du sage,
elle est la joie et la source de confiance de tout noble.


r
Rad (Chevauchée)
Chevaucher pour quiconque semble aisé,
lorsqu'on est à l'abri, mais plus difficile pour celui
qui parcourt une longue route sur un puissant destrier.


c
Cén  (Torche)
La torche est perçue par chaque être comme
une flamme brillante et lumineuse ;
le plus souvent elle brûle dans la demeure
où les nobles se reposent.


g
Gyfu (Don)
Le don est pour les humains une louange
et une parure, un soutien et une approbation ;
il apporte aux sans logis aide et honneur, quand ils en sont dépourvus.


w
Wenne (Joie)
La joie s'obtient quand on a peu de griefs,
qu'il s'agisse de blessures ou de tristesse et que l'on a
pour soi prospérité, plaisirs et quantité de réserves.


h
Hægl (Grêlon)
Le grêlon est le plus blanc des grains,
enrobé de vapeurs célestes ;
porté par des bourrasques de vent,
il se transforme ensuite en eau.


n
Nyd (Epreuve)
L'épreuve est grandement décourageante ;
souvent chez les enfants des humains,
elle est de quelques aides et soins, s'ils s'en préoccupent à temps.


i
Ís (Glace)
La glace est très froide et extrêmement glissante ;
elle est scintillante, brillante comme le verre, ressemble à des gemmes ;
le sol couvert de givre semble beau à contempler !


j
Gér (La période sans givre - l'Eté)
L’été est l'espoir des humains
que Dieu, roi des cieux, fasse sortir de la terre
une végétation comestible aux couleurs éclatantes
pour les nobles et les nécessiteux.


z
Eoh (If)
L'if est à l'extérieur doté d'une écorce rugueuse,
fort, sûr dans le sol, pourvoyeur du feu,
arbre bien enraciné, heureux dans son foyer.


p
Peorð (Coupe à Dés)
Le gobelet à dés apporte toujours jeu et rire
aux hommes fiers, là où s'assoient les guerriers
joyeusement rassemblés dans les tavernes. 


x
Eolhx-secg (Laiche de l'Elan)
La laiche de l'élan a sa terre le plus souvent dans les marais ; 

poussant dans l'eau, blessant sévèrement,
brûlant au sang quiconque tenterait de s'en saisir. 


s
Sigel (Soleil)
Le soleil pour les navigateurs est espoir incessant
tandis qu'ils voguent sur le bain des poissons,
jusqu'à ce que leur destrier des vagues les ramènent au port.


t
Tir (Tyr)
Tyr est signe de gage ; il garde bien le serment du noble ;
progressant toujours au-dessus des nimbes de la nuit,
et ne disparaissant jamais.


b
Beorc (Bouleau)
Le bouleau n'a pas de fruits. Il soutient néanmoins
ses jeunes pousses sans graines ; de belle envergure,
son sommet se dresse, glorieusement orné
d'un feuillage croissant, il touche les cieux.


e
Eh (Cheval)
Le cheval est pour les dirigeants, la joie des nobles.
Le cheval est fier quand les lanciers l'entourent,
les riches le montent, se rassemblent pour en parler ;
il est toujours un réconfort pour les inquiets.


m
Man (Homme)
L'homme, lorsqu'il est joyeux, est cher à ses amis ;
pourtant il doit abandonner ses compagnons
car le seigneur a établi les lois de Dieu
que cette humble chair doive retourner à la terre.


l
Lagu (Eau)
L'eau pour les gens semble immense
s'ils doivent la franchir sur des bateaux instables,
et que les vagues de la mer les effraient fortement,
et que le destrier des mers ignore la bride.


ng
Ing (Ing)
Chez les Danois de l'Est, Ing était d'abord
révéré parmi les guerriers, jusqu'aux confins de l'est,
par-delà les vagues, il prit la route, suivit de son char ;
Alors les Heardingas l'appelèrent le héros.


oe
Éþel (Foyer)
Le foyer est très cher au cœur de chaque humain
s'il peut y demeurer de droit, alors il est juste
que chez lui il puisse jouir de ses récoltes.


d
Dæg (Jour)
Le jour envoyé par le Seigneur est cher à l'humanité,
la merveilleuse lumière du créateur, joie et grand espoir
pour le pauvre et l'affluant ; tous en profitent.


a
Ác (Chêne)
Le chêne est sur Terre pour les enfants des humains,
fourrage pour le bétail, fréquemment il voyage
sur le bain des fous de Bassan,
les vagues révèlent si le chêne s'avère digne de confiance. 


ä
Æsc (Frêne)
Le frêne est extrêmement grand ; aimé des humains.
il est fermement enraciné et ne bouge pas
même s'il est attaqué par une multitude d'imbéciles. 


y
Ýr (Arc d'If)
L'arc d'if est pour les athlings et les jarls
joie et honneur : il est beau sur un cheval de guerre,
endure les expéditions difficiles,
c'est une bonne arme de guerre !


io
Íár (Serpent)
Le serpent est comme un poisson de rivière 

mais se nourrit toujours dans la forêt ; 
il a une belle demeure,
entourée d'eau où il savoure son existence.


ea
Éar (Tombe)
La tombe est terrible pour tout noble ;
de manière immuable la chair commence
à refroidir, à choisir la terre pâle comme compagne
de lit. Les fruits vont alors pourrir.
Les plaisirs vont alors disparaitre.
Les engagements seront alors rompus.

Le futhorc Anglo-Saxon


En usage en Grande-Bretagne à partir du Vème siècle, le futhorc se différencie du futhark ancien en remplaçant les rune óss ou ansuz (a) par ös (o) et kaun (k) par cén (c) ainsi que par l’ajout régulier de runes correspondant à de nouveaux phonèmes. Il n’est plus utilisé à la fin du XIème siècle.



Le poème runique Islandais (1200 - 1400)


Ce poème, rédigé en vieux norrois, sans doute entre le XIIIème et le XVème siècle, provient de quatre manuscrits conservés à la Bibliothèque Arnamagnæ de Copenhague :

- AM 687, 4to, parchemin du XVIème siècle avec les runes sans leurs noms et les interprétations en latin et en islandais.

- AM.461, 12mo, parchemin du XVIème siècle (1539-58)avec les noms uniquement.

- AM.749, 4to, papier du XVIIème siècle avec les noms et les runes dans l’ordre alphabétique suivi de runes pointées.

- AM.413, folio, pp.130-5, 140ff., parchemins du XVIIIème siècle copiés du MS. Runologia (1732-52) de Jon Olafsson, avec les noms et les runes dans l’ordre alphabétique, sauf que lögr précède maðr.


Ce qui implique quelques différences d’interprétation, d’autant plus que certains manuscrits sont abimés. De plus, les textes en vieux norrois étaient pour certains accompagnés de traductions latines. C’est pourquoi sont notés sous chaque strophe, une équivalence latine des runes et un terme en vieux norrois désignant une haute fonction sociale dont la première lettre commence par la rune correspondante.

Il est assez semblable dans sa structure au poème norvégien ce qui semble indiquer une éventuelle source commune. Mais il est cependant plus élaboré car les strophes sont composées de trois kennings. Cette construction lui valut le nom de Þrideilur Rúna (triades runiques). Ce poème fut rédigé environ cinq cents ans après la christianisation, mais comme le poème runique norvégien, il conserve ses références aux mythes païens.

f
Fé (Argent)
L'argent est cause de combat parmi les hommes du même sang
et le feu de la mer
et la voie du serpent.


aurum - fylkir  
(or - chef de guerre)


u, v
Úr (Bruine)
La bruine est la lamentation des nuages
et la destruction de la récolte
et objet de haine pour le berger.


umber ou imber - vísi
(ombre/nuage ou averse - chef sage)


th
Þurs (Thurse)
Le Géant est le tourment des femmes
et habitant des rochers
et l'époux de Varðrúna.


Saturnus - þengill 
(Saturne - celui qui préside le thing)


a, o
Óss (Ase - Odin)
L'Ase est le vieux créateur
et le roi d’Ásgard
et le seigneur du Valhalla.


Jupiter - oddviti 
(Jupiter - celui qui sait)


r
Reið (Chevauchée)
La chevauchée est joie du cavalier
et voyage rapide
et labeur du coursier


iter - ræsir 
(voyage - homme de valeur)


k
Kaun (Ulcère)
L’ulcère est maladie fatale aux enfants
et endroit douloureux
et demeure de mortification.


flagella - konungr
(fouet - descendant de bonne lignée)


h
Hagall (Grêle)
La grêle est un grain froid
et pluie de neige froide
et la maladie des serpents.


grando - hildingr 
(grêle - chef de bataille)


n
Nauð (Contrainte)
La contrainte est la douleur qui accable la servante
et état d’oppression
et travail laborieux.


opera  - niflungr 
(travail - descendant de la brume)


i, j
Íss (Glace)
La glace est l’écorce des rivières
et le toit des vagues
et la destruction des maudits.


glacies - jöfurr 
(glace - roi guerrier)


A
Ár (Abondance)
L’abondance est bonne pour les hommes
et un bon été
et une récolte florissante.


annus - allvaldr 
(année - le père de tout)


s
Sól (Soleil)
Le soleil est le bouclier des nuages
et éclatant rayon
et destructeur de la glace.


rota  - siklingr  
(roue - celui que la victoire suit)


t
Týr (Tyr)
Tyr est l'ase manchot,
et restes du loup
et gouverneur des temples.


ou
Tyr est frère de Baldr
et l'ase manchot
et restes du loup.


Mars - tiggi 
(Mars - riche en renommée)


b
Bjarkan (Bouleau)
Le bouleau est un rameau feuillu
et petit arbre
et arbuste jeune et frais.


abies - buðlungr 
(sapin - celui qui protège)


m
Maðr (Homme)
L'homme est la joie des humains
et accroissement de la terre
et décorateur de bateaux.


homo - mildingr
(humain - le généreux)


l
Lögr (Eau)
L'eau est courant tourbillonnant
et grand geyser
et demeure du poisson.


lacus - lofðungr 
(lac - celui qui est digne d'éloges)


y
Ýr (If)
L'If est arc courbé
et acier cassant
et flèche de Fárbauti.


arcus - ynglingr 
(arc - le jeune)

Le poème runique Norvégien (1200)


Ce poème d’inspiration scaldique, rédigé en vieux norvégien, daterait du XIIème ou XIIIème siècle. Le texte original fut conservé à la bibliothèque universitaire de Copenhague, puis détruit lors d’un incendie en 1728. Il est attesté par deux copies, la première de Olaus Wormius (Ole Worm, Runar seu Danica Literatura Antiquissima, Amsterdam, 105–7, 1636), et l’autre de Arni Magnússon et Jón Eggertson en 1686.

Composé en rimes, le poème comporte deux phrases de six syllabes pour chaque rune, sauf la 15ème. La première concerne le nom et le sens de la rune, la seconde est à caractère gnomique ou pourrait désigner la forme des runes. Il est à noter que malgré une référence au Christ, l’aspect païen demeure dans le texte.


f
Fé (Richesse)
La richesse est source de discorde dans la famille ;
dans la forêt le loup grandit.


u, v
Úr (Scories)
Les scories viennent du mauvais fer ;
le renne court souvent sur la neige gelée.


th
Þurs (Géant)
Le géant provoque la maladie des femmes ;
peu se réjouissent de l'infortune.


a, o 
Óss (Estuaire)
L’estuaire est le chemin de la plupart des voyages ;
mais le fourreau est le chemin des épées.


r
Ræið (Chevauchée)
La chevauchée est, dit-on, le pire pour les chevaux ;
Reginn forgea la meilleure épée.


k
Kaun (Furoncle)
Le furoncle est la malédiction de l’enfant ;
infortune fait pâlir l’humain.


h
Hagall (Grêlon)
Le grêlon est le plus froid des grains ;
Christ donna forme à l’ancienne demeure.


n
Nauðr (Nécessité)
La nécessité laisse peu de choix ;
l’homme nu est glacé par le gel.


i, j
Ís (Glace)
Large pont nomme-t-on la glace ;
l’aveugle a besoin qu’on le guide.


A
Ár (Récolte)
La récolte est un profit pour les humains ;
je reconnais que Froði fut généreux.


s
Sól (Soleil)
Le soleil est la lumière du monde ;
je m’incline face au sacré.


t
Týr (Tyr)
Tyr est l’ase manchot ;
souvent le forgeron doit souffler.


b
Bjarkan (Bouleau)
Le bouleau est l’arbuste au plus vert feuillage ;
Loki a bien réussi sa duperie.


m
Maðr (Homme)
L'homme produit encore plus de terre ;
puissante est la serre du faucon.


l
Lögr (Eau)
Les chutes d’eau coulent des falaises ;
les objets coûteux sont faits en or.


y
Ýr  (If)
L'if est l’arbre le plus vert en hiver ;
il crépite quand il brûle.

Le futhark récent


Développé entre le VIIème et le VIIIème siècle en Scandinavie, le futhark récent est une réduction à 16 runes du futhark ancien qui en comptait 24. Plusieurs runes possèdent également des variantes suivant les périodes et les zones géographiques. Il cessa d’être utilisé peu après la christianisation, vers le XIIIème siècle.



Yggdrasil



L'Arbre-Monde dans la mythologie nordique se nomme Yggdrasil, (Coursier du Redoutable ou Coursier d'Ygg - Ygg, le redoutable, étant l'un des noms d'Odin). Yggdrasil est un Frêne, l'arbre sacré d'Odin. Il est considéré comme le père des arbres. Mais aussi de l'humanité car Askr, le premier homme venait d'un Frêne et la première femme, Embla, provenait d'un orme, ce sont donc les descendants des arbres.

Yggdrasil est un arbre gigantesque puisque ses branches s'étendent dans les neuf mondes et dans les cieux. Il possède trois racines dont l'une pousse à la source d'Urðr à Asanheim, une autre à la source de Mimir à Jotunheim, et la troisième à la source de Hvergelmir à Niflheim. Dans les textes il apparaît sous d'autres noms ou formes. Il est Laeradr ou Lerad (Celui qui procure le repos) l'arbre de vie poussant sur le toit du Valhalla dont se nourrissent la chèvre Heiðrún et le cerf Eikthyrnir. Il est aussi Mímameiðr (Arbre de Mimir), l'arbre de la connaissance planté près de la source de Mimir. Et enfin, il est Hoddmimir (Trésor de Mimir) le refuge, une forêt ou un arbre, où se tiennent cachés les humains survivants au Ragnarök.

Son association à Mimir implique donc la détention de la connaissance et de la sagesse. L'arbre de vie poussant sur le toit du Valhalla, le fait que ses feuilles soient dévorées et ses que racines soient rongées par divers animaux, puis soignées par les Nornes, renvoie autant au destin, qu'au cycle de la vie ou à l'au-delà. D'ailleurs, Odin embauma la tête de Mimir avec les feuilles d'Yggdrasil. Cet axis mundi soutient également l'équilibre fragile entre les neuf mondes. En tant que cheval d’Odin il devient une référence au chamanisme et au voyage entre les mondes le long d'un poteau ou d'un arbre. L'initiation d'Odin aux runes alors qu'il pendit pendant neuf jours et neuf nuits à cet arbre est aussi une référence aux pratiques chamaniques de la transe. C'est aussi à la source d'Urðr que se tiennent les conseils des dieux, ce qui lui confère un aspect juridique.


les 3 sources ou puits

Symbole de la vie par excellence, l'eau coule en trois endroits distincts sous les racines d'Yggdrasil, avec à chaque fois des fonctions bien différentes mais complémentaires.

La source du destin, Urðarbrunnur (La Source d'Urðr)
La première source est située à Asanheim, derrière les forêts d'Ýdalir. C'est l'endroit où les ases tiennent leur conseil. Là se dresse la halle où nul ne pénètre et où vivent les Nornes. Elle figure donc la destinée et l'endroit où se prennent d'importantes décisions. Mais elle constitue également un lieu curatif, puisque les Nornes utilisent l'eau et la glaise de cette source pour empêcher les branches d'Yggdrasil de pourrir et de se dessécher. Elle est aussi un endroit d'équilibre, puisque deux oiseaux, ancêtres de tous les cygnes, se nourrissent à cette source, ainsi que des abeilles qui fabriquent le miel pour l'hydromel.

" Et on raconte que les nornes qui habitent auprès du puits d'Urðr puisent chaque jour l'eau de la source et aussi l'argile, qui se trouve autour de la source et en aspergent le frêne afin que ses branches ne se dessèchent ni ne pourrissent".

la source de la mémoire, Mimisbrunnur (La Source de Mimir). 
La seconde source est celle de la sagesse et de l'intelligence. Une autre racine qui s’étend "chez les Hrimthurses, où se trouvait autrefois Ginnungagap ", recèle la source de Mimir. Celle-ci se trouve sous les racines de l'arbre Mímameiðr à Jotunheim et elle est gardée par la tête de Mimir. Odin donna son oeil pour boire une gorgée de cette eau et acquérir la sagesse. Cette source implique évidemment que la connaissance s'acquiert aux prix de sacrifices. Elle est également liée au destin puisque Odin vient consulter Mimir au moment du Ragnarök, sans toutefois obtenir de réponse.

la source primordiale, Hvergelmir, (Le Chaudron Qui Gronde).
La troisième source se trouve à Niflheim. C'est de la que proviennent les douze rivières primordiales, les Élivágar. La dernière source est donc associée au pouvoir créateur, les Élivágar gelant dans Ginnugagap pour former la glace qui donne naissance aux premiers êtres. Mais elle est aussi celle du pouvoir destructeur souterrain et obscur puisqu'à cet endroit huit serpents rongent les racines du frêne. Cependant cet acte destructeur est équilibrée par les soins prodigués par les Nornes.




Les animaux d'Yggdrasil

Plusieurs animaux vivent dans l'arbre, doté chacun d'un rôle particulier qui assure l'organisation cosmique. Ils ont tous des liens directs avec le soleil et la fertilité. Ils renvoient autant à la vie sauvage, la chasse et la forêt, qu'à l'élevage et la ferme. On y trouve un coq, une chèvre, cinq cerfs, un aigle, un faucon, un écureuil, un sanglier, deux cygnes et des abeilles. Ces animaux demeurent pour la plupart autour d'Asanheim, voire au Valhalla, Les animaux de Niflheim et Helheim, sont référencés dans les chapitres suivants concernant ces lieux.

L'aigle, le faucon et l'écureuil

Veðrfölnir (Blanchi par la tempête ou Couvert de Cendres par le Vent) - le faucon vivant entre les yeux de l'aigle Hraesvelgr au sommet de Yggdrasil, ce qui fait de lui la créature la plus haut placée.

Hraesvelgr (Avale Charogne ou Dévoreur de Cadavres ou Courant des Naufrages),  l'aigle géant de la Connaissance vivant au sommet d'Yggdrasil - l'opposé polaire du serpent Nidhöggr - dont les battements d'ailes suscitent les vents. C'est un géant prenant la forme d'un aigle.

Ratatosk (Dents Qui Trouvent ou Dents Qui Forent) l'écureuil circulant de bas en haut de l'arbre pour transmettre les insultes entre le serpent Nidhöggr et l'aigle Hraesvelgr.

Le faucon et l'aigle sont deux oiseaux de proie, des chasseurs à la vue perçante, et des symboles aériens et solaires. Ce sont les deux créatures les plus haut placées dans l'arbre.
L'aigle représente l'esprit, la supériorité et la domination, son symbole aérien le place à l'opposé du serpent, qui est terrestre, et aussi sa proie. Le serpent est également solaire, mais comme sa peau se renouvelle il évoque la transformation, la transmutation, un cycle vie-mort-renaissance. C'est aussi un animal souterrain, qui se tapit sous les rochers. Ce qui se caractérise par les rapports entretenus avec le serpent Nidhöggr qui demeure à Niflheim.

L'écureuil est un animal à la fois aérien (qui vit dans les arbres) et terrestre (il se nourrit et se déplace sur la terre). Il à un caractère prévoyant et donc d''indépendance. Cet un animal vif qui exerce son agilité en voyageant le long de l'arbre.

Un aigle siège
Sur les rameaux du frêne,
On dit qu’il sait maintes choses ;
Un faucon
Entre ses yeux veille,
S’appelle Vedrfölnir.
Grímnismál, 31

Ratatosk s’appelle l’écureuil
Qui doit grimper
Le frêne Yggdrasill ;
Les messages de l’aigle
Il doit rapporter de là-haut
Et les dire en bas à Nidhöggr.
Grímnismál, 32

Les cerfs

Eikthyrnir (Bois de Chêne), le cerf vivant sur le toit du Valhalla se nourrit des feuilles de Laeradr. De ses bois ruisselle de l'eau qui alimente sans cesse la source d'Hvergelmir la mère des rivières primordiales, les Élivágar.

Quatre autres cerfs broutent les feuilles des hautes branches et les jeunes pousses d'Yggdrasil : Duneyrr (Repos ou Aux oreilles sombres), Duraþrór (Sommeil), ainsi que Dáinn (Mort) et Dvalinn ou Dvalarr (Torpide ou Celui Qui Est Lent), qui eux sont en fait des nains. Les deux autres seraient des hommes de Mannheim. Tous quatre sont auraient pris l'apparence de cerfs immortels pour devenir les gardiens des quatre vents, et accepter tiennent un rôle similaire à celui des nains des 4 points cardinaux. Et comme leurs noms indique la mort ou la catalepsie, cela peut indiquer le sacrifice réalisé pour accomplir cette tâche.


Les cerfs sont des animaux importants dans leur représentation de la fertilité avec une certaine virilité de par la connotation phallique des bois. De plus, ils symbolisent la longévité et les cycles car leurs bois poussent chaque année. Eikthyrnir depuis le niveau supérieur du monde alimente les Élivágar, qui se trouvent au niveau inférieur, ce qui en fait un élément essentiel pour celles-ci. Les autres cerfs, dont deux sont des nains, remplissent le rôle de gardien des vents des quatre directions. Ils jouent également un rôle avec le cycle de la vie et de la mort, et avec l'au-delà. D'une part de par le sens de leurs noms et aussi parce que tous ces cerfs se nourrissent des feuilles et des jeunes pousses de l'arbre.

Eikthyrnir s’appelle le cerf
Qui se tient sur la halle de Herjafödr
Et broute les rameaux de Laeradr,
De ses cornes, l’eau ruisselle
Dans la source Hvergelmir,
C’est là que toute rivière a son origine.
Grímnismál, 25 et 26

Quatre cerfs sortent d'une rivière appelée Ifing
ils pâturent tête renversée. Dáin, Dvalin Duneyr
et Durathrór, tels sont leurs noms
Grímnismál, 33

La chèvre

Heiðrún (Secret Lumineux ou Rune Brillante) est une chèvre perchée sur le toit du Valhalla, où pousse l'arbre Laeradr dont elle broute les feuilles. De ses quatre pis coulent de l'hydromel et du vin pour les Inherjar.

Tout comme la vache Audhumla, la chèvre a une fonction nourricière et une symbolique d'abondance et de fertilité. Elle abreuve les Inherjar d'un liquide qui ne nourrit pas leurs corps, mais leurs esprits, le breuvage de la sagesse.

Heiðrún s’appelle la chèvre
Qui se tient sur la halle de Herjafödr*
Et broute les rameaux de Laeradr,
Elle doit remplir une cuve
De pur hydromel.
Cet élixir ne saurait tarir.
Grímnismál, strophes 25 et 26
* " le père des armées", nom fréquent d’Odin dans les poèmes mythologiques

Le coq

Gullinkambi (Crête d'Or) est le coq vivant dans Yggdrasil qui attend de donner le signal aux Ases et aux guerriers du Valhalla pour la bataille finale du Ragnarök. Il a une grande importance, puisqu'il est constamment surveillé par la géante Sinmara qui attend de pouvoir le tuer avec son bâton magique Laevatein (Baton de Destruction ou Rameau Nuisible, fabriqué par Loki, le seul objet capable de l'anéantir). Ceci afin de l'empêcher de donner l'alarme au moment du Ragnarök. La tâche de ce coq consiste aussi à réveiller les Inherjar qui sommeillent, en comptant jusqu'à soixante, soixante fois douze. Il est également nommé Vithofni dans le Fjölsvinnsmál où il surveille la halle de Menglöð.

Le coq est un symbole solaire car il se lève et se couche au rythme du soleil. Par opposition aux deux autres coqs de Jotunheim et Helheim, qui sont rouges, Gullinkambi qui demeure près d'Asanheim, s'illustre par sa Crête d'or (le métal du soleil) qui s'harmonise avec ce royaume lumineux et brillant. Il maintient la continuité d'un cycle dans la mesure où il réveille les Inherjar chaque matin. Mais il est aussi celui qui brise ce cycle puisqu'il est aussi le gardien qui donne l'alerte lors du conflit destructeur. C'est un élément terrestre et aérien, même s'il vole peu. Il représente aussi la fertilité. Il est à l'origine du coq des clochers.


Le sanglier

Saehrímnir (Monstre Couvert de Suie) est le Sanglier qui a la faculté de se régénérer chaque nuit et qui est cuisiné chaque jour par Andhrímnir (Celui Qui est Noirci de Suie) dont la tâche consiste à préparer dans son chaudron Eldhrímnir (Celui Que le Feu Noirci de Suie) le repas destiné aux Inherjar.

Ce sanglier dont le seul rôle consiste à servir de repas aux Inherjar est le symbole de la régénération, et de l'abondance. Il est aussi un symbole de force et de vitalité. Des sangliers étaient d'ailleurs sacrifiés en offrandes à Frey.


Andhrímnir
Fait dans Eldhrímnir
Cuire Saehrímnir,
La meilleure des viandes ;
Mais peu de gens savent
De quoi se nourrissent les einherjar.
Grímnismál, strophe 18

Les cygnes


Deux cygnes blancs se baignent dans l'eaux claire de la source d’Urðr. Tous les cygnes de la terre descendent de ce couple ailé, et tout ce qui s’approche de l’eau sacrée de la source, se revêt de la couleur de la pureté. Ces deux oiseaux solaires au caractère à la fois aquatique, aérien et terrestre, symbolisent l' harmonie, la beauté, l'amour et la fidélité.

Les abeilles

A la source d'Urðr, les branches d'Yggdrasill distillent une rosée dont se nourrissent les abeilles. Celles-ci produisent le miel qui était considéré comme un don céleste puisqu'il est l'un des ingrédients de l'hydromel. Ces abeilles symbolisent la diligence, l'effort, le travail, la coopération, mais aussi l'immortalité de par les vertus du miel et de son usage sacré. Elle sont également liées au soleil et à lumière, notamment parce qu'elles produisent la cire qui sert à fabriquer des bougies.

Le futhark ancien


L'origine des runes est toujours indéterminée, mais le futhark ancien est utilisé depuis le Ier siècle. Il compte 24 runes dont certaines changent parfois de position (les 13ème et 14ème et les 23ème et 24ème). On en retrouve de l'Italie jusqu'à la Scandinavie en passant par l'Allemagne et l'Angleterre. Il fut abandonné après la christianisation au profit du futhark récent, qui est réduit à 16 lettres et du futhorc qui en compta jusque 33.


Les 9 Mondes


Yggdrasil contient l'ensemble de la création symbolisé par les neuf Mondes. Il apparaît donc comme la colonne soutenant les composantes de l’univers perçu par les humains. Ces mondes, peuplés d'entités symboliques, représentent des aspects de la nature et de la conscience. Ils sont nommés de cette façon :

Ásanheim, Monde des Ases,
Álfheim, Monde des Álfes lumineux,
Vanaheim, Monde des Vanes,
Mannheim, Monde des Humains,
Svartalfheim, Monde des Alfes Sombres (ou Nains),
Jötunheim, Monde des Géants du Givre,
Muspellheim, Monde des Géants du Feu,
Niflheim, Monde de la Brume,
Helheim, Monde de Hel.


Comme toutes choses, ils fonctionnent de manières opposées, mais aussi de manières complémentaires. Nous allons voir comment comprendre ces mondes, leurs particularités et leurs rôle dans l'univers. Pour cela il faut envisager plusieurs façons de les percevoir et ce, sous différentes formes d'organisation. Ces formes d'organisation sont toutefois complexes car elles se déclinent sur plusieurs plans, que nous allons tenter de rendre simple au travers des illustrations suivantes.


1) Des mondes d'oppositions
Comme nous l'avons déjà vu dans le mythe de création, le fonctionnement de l'univers repose depuis son commencement sur des antagonismes. Hormis Mannheim (le monde des humains) qui représente une forme d'équilibre et qui ne participe pas au principe créatif, les huit autres mondes peuvent déjà être regroupés par paires de principes opposés. On obtient ainsi :


Muspellheim, sud, feu, chaleur                            Niflheim, nord, glace, froid
Ásanheim, lieu supérieur de la mort guerrière     Helheim, lieu inférieur de la mort profane 
Vanaheim, force de création                                 Jötunheim, force de destruction
Álfheim, lumière                                                  Svartalfheim, obscurité


2) Des mondes d' associations
Comme on le constate également dans la nature, pour obtenir un certain équilibre, il faut des oppositions, ce qui implique aussi des associations ou des complémentarités. On peut donc étudier les neuf mondes sous cet angle. Il faudra tout d'abord se pencher sur un type d'association triangulaire, où les neuf mondes sont regroupés en trois royaumes formant trois trinités élémentaires représentées par les enceintes qui les séparent : 



- Asgarð - l'enceinte des Ases (Asanheim, Alfheim, Vanaheim), le monde de l'air (le ciel) et du feu (le soleil), qui correspond à la conscience supérieure et à la sagesse.
- Midgarð - l'enceinte du Milieu (Mannheim, Muspellheim, Svartalfheim), le monde de la terre et du feu (les volcans), qui correspond à la conscience et à l'action.
- Utgarð - l'enceinte extérieure (Jötunheim, Niflheim, Helheim), le monde de l'eau et de la glace, qui correspond à l'inconscient et à la réflexion.



La triplicité de ces royaumes peut alors se décliner suivant une autre répartition élémentaire. On peut donc en déduire une nouvelle forme d'organisation, également triangulaire, où l'Univers est aussi structuré sur trois niveaux, comportant chacun trois mondes différents. Ce qui donne la configuration suivante découlant de la première trinité que nous venons d'étudier. 





On remarquera que dans certains cas c'est Muspelheim et Niflheim qui se trouvent aux extremités puisqu'ils correspondent au nord et au sud. Et dans d'autres, ce sont Asanheim et Helheim qui sont placés aux extrémités puisque l'un est le monde le plus haut et l'autre le plus bas. 




Mondes du feu ou de la lumière : Muspellheim, Álfheim et Ásanheim.
Mondes de la terre : Vanaheim, Mannheim et Jötunheim.
Mondes de l'obscurité : Svartalfheim, Helheim et Niflheim.


En conservant la triple structure précédente, on peut aussi observer les 9 Mondes comme un continuum entre l'extrémité Sud, Muspellheim, monde de la chaleur et du feu, et l'extrémité Nord, Niflheim, monde du froid, du vent et de la brume. De plus, Niflheim n'est pas à proprement parler un monde souterrain, mais plutôt l'entrée du monde souterrain de Helheim. Et de la même manière, Muspelheim est un monde terrestre lié au feu.

Sud
1. Muspellheim, le monde du feu et de la chaleur
2. Ásanheim, le monde des Ases
3. Álfheim, le monde des Alfes lumineux
4. Vanaheim, le monde des Vanes (Ouest)
5. Mannheim, le monde des humains
6. Jötunheim, le monde des géants du givre (Est)
7. Svartalfheim, le monde des nains ou Alfes sombres
8. Helheim, le monde des morts
9. Niflheim, le monde du froid, de la brume et des ténèbres
Nord
         



Il est maintenant possible d'envisager la dernière forme d'organisation où les 9 Mondes sont répartis en fonction de leur localisation dans l'espace, ce qui donne la configuration suivante.





 

a) Aux niveaux supérieurs, se situent les mondes célestes :

Ásanheim, qui se dresse au-dessus de tous les mondes, royaume des Ases où les morts tombés au combat résident à la Valhöll ou à Sessrumnir ;

Álfheim, juste en dessous d'Asanheim et au-dessus du monde des humains, le Monde des Alfes lumineux.

b) Au niveau central se situent, sur le même niveau, les mondes terrestres :

Vanaheim, à l'Ouest, le royaume des Vanes ;

Niflheim, au Nord, le monde de la glace et des brumes ;

Mannheim, au centre, le royaume des humains ;

Muspellheim, au Sud, le monde du feu et de la chaleur, le royaume des Géants du Feu.

Jötunheim, à l'Est, le royaume des Géants du Givre.

c) Aux niveaux les plus bas se situent les mondes souterrains :

Svartalfheim, juste en dessous du monde des hommes, le royaume des Nains (ou Alfes Sombres) ;

Helheim, sous tous les mondes, le domaine des morts.

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