26/11/2015

Grogaldr




























GROGALDR
L'incantation de Groa

Ce poème, anonyme d’origine islandaise, datant sans doute du XIIème siècle, est généralement publié avec un autre poème, le Fjölsvinnsmál (dits de Fjölsvid) sous le titre commun de Svipdagsmál (dits de Svipdagr), car ils narrent tous les deux la quête de Svipdagr (Jour Naissant) pour l’amour de Menglöð. Bien que de sources différentes, les deux textes semblent se compléter.
L’incancation de Gróa, est un rituel de nécromancie où la mère défunte de Svipdagr, énonce une succession de neuf galdr destinés à aider son fils pour son périple. L’évocation de völva mortes est assez récurrent dans la mythologie nordique, car cela impliquait acquérir l’inspiration, la sagesse et la connaissance de son orlög (destin) De même que s’assoir sur un tertre funéraire qui était une pratique rituelle répandue dans les sociétés païennes.
Gróa (Croissance ou Guérison) est une völva et pratiquante du seiðr, la femme du géant Aurvandil (Étoile du Matin) dont un doigt de pied gelé, lancé dans le ciel par Þórr, devint une étoile. Elle a également soigné Þórr à l’aide de plantes et d’incantations, mais oublia un morceau de pierre (provenant de la hache du géant Hrungnir suite à un duel) dans son crâne, lorsqu’elle appris qu’il avait sauvé Aurvandil de la mort.
Le texte est ici donné dans son intégralité.
Le Fjölsvinnsmál fera l’objet d’une publication ultérieure. 




- 1 -

Éveille-toi, Groa, éveille-toi,
bonne mère, je viens t'invoquer
devant les portes de la mort,

te souviens-tu avoir invité ton fils
à se rendre auprès de ton tertre
pour solliciter ton aide ?


- 2 -

Quels maux te tourmentent,
mon fils unique,
quelle infortune

te fait appeler ta mère qui git
sous terre après avoir quitté
le monde des humains ?


- 3 -

L’ensorceleuse qui a étreint mon père,
m’a placé face à un jeu sinistre ;
elle m' a invité à aller

là où nul ne voyage,

à la rencontre de Menglöð,

celle qui refuse toute approche.


- 4 -

Le voyage est long,

les chemins sont longs,

mais les amours

des humains le sont également,
si ce que tu désires en vaut la peine,
qu’il en soit comme Skuld l’a fixé.


- 5 -

Fais pour moi l’incantation
de paroles magiques
qui me soient profitables,
ma mère, sauve ton fils ;
je crains d'être trop jeune
et de mourir en route.


- 6 -

Je commencerai par te faire entendre

en premier un chant utile ;

Rani le chanta à Rind,

avec son aide tu pourras débarrasser

tes épaules de tout ce qui te paraîtra pesant ;
et te guider par toi-même.


- 7 -

En voici pour toi un second,
si tu erres sans volonté
sur la route,
les verrous d’Urð

te soutiendront de toutes parts
sur la voie que tu suis.


- 8 -

En voici pour toi un troisième,
si de puissantes rivières
mettent ta vie en danger,
Hrönn et Ruðr

se détourneront vers Hel,
elles rétréciront devant toi.


- 9 -

En voici pour toi un quatrième,
si des ennemis sont sur ton chemin
et prêts à te nuire,
ce chant détournera

leurs mains de toi,

et les rendra pacifiques.


- 10 -

En voici pour toi un cinquième,
si des liens entravent tes membres,
des sorts libérateurs je chanterai
sur tes jointures,

et les chaines de tes bras partiront
et de tes pieds les liens.


- 11 -

En voici pour toi un sixième,

si tu atteints une mer plus furieuse
que tu ne le supposais,

le calme et la vague

se réconcilieront,

et t'accorderont un paisible voyage.


- 12 -

En voici pour toi un septième,
si la gelée tu rencontre
sur la haute montagne,

le froid mortel ne détruira
pas ton corps,
ne tordra pas tes membres.


- 13 - 


En voici pour toi

un huitième,

si la nuit te surprend
sur un sentier brumeux,
la chrétienne morte
ne pourra te nuire.


- 14 -

En voici pour toi un neuvième,
si tu dois t’entretenir avec un géant
renommé et armé d’une lance,
que ton cœur te soit de bon conseil
et que tes lèvres prononcent

les bonnes paroles.


- 15 -

Ne va jamais où l’infortune t’attend ;
 et ne laisse rien de dangereux
troubler ton esprit  ;
j’étais debout sur la pierre escarpée
derrière la porte,

quand je te chantais ceci.


- 16 -

Emporte, mon fils,
les paroles de ta mère,
conserve-les dans ton cœur ;

si tu ne les oublies pas,

la vie ne t’offrira

que fortune et abondance.


 Traduction S. Rosenberg
© Runablot 2016